Le site des ophtalmologistes de France
Ce chapitre correspond à la thèse en Sciences Historiques et Philologiques pour le Doctorat de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, soutenue par le Docteur Robert Heitz le samedi 13 janvier 2001, au Val de Grâce (Paris).
L'ouvrage est publié (juillet 2003) en version anglaise par M. Jean Paul Wayenborgh.
Les trois tomes nous font revivre les avancées des connaissances, les erreurs et les errances des ophtalmologistes, des opticiens, des savants qui ont essayé de corriger les anomalies de l'oeil par différents systèmes optiques. On verra les progrès de ces hommes au fil des siècles.
Nous ne pouvons qu'encourager le lecteur à se plonger dans ce travail de grande qualité qui a demandé 30 années de collecte de documents et de témoignages, suivies par quatre années de vérifications et de rédaction, et qui a permis de revenir aux sources pour éviter les erreurs classiques.
Ainsi il a fallu traduire les textes de Léonard de Vinci écrits sans point ni virgule en langue toscane, étudier les documents de l'Académie des Sciences et de Médecine, reprendre les descriptions allemandes des personnages de l'époque, comprendre les mentalités et les animosités et aboutir enfin sur une Réalité souvent bien différente de ce qu'on lit dans la plupart des ouvrages.
Le jury composé de
l'a déclaré digne de l'obtention du diplôme de docteur de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, sciences historiques et philologiques, mention Très Honorable avec félicitations à l'unanimité du jury.
La cornée, le hublot transparent de l'oeil, possède un fort pouvoir réfractif, quarante-cinq dioptries environ. En mettant la cornée en contact étroit avec un milieu transparent, cette réfraction, liée à sa courbure, est neutralisée et est reportée à l'interface entre ce milieu et l'air. La neutralisation cornéenne est à la base du principe des verres de contact, fondée sur deux groupes de critères :
1/ Ceux liés à la neutralisation de l'effet dioptrique de la face antérieure de la cornée par un milieu transparent, souvent un liquide. Ce milieu doit être maintenu intimement contre la cornée, être compatible avec les tissus cornéens, permettre la neutralisation de la puissance dioptrique de la face antérieure de la cornée et ne pas constituer un obstacle à la transmission de la lumière.
2/ Ceux liés à l'élément réfractif mis en place contre l'oeil et sous les paupières. Cet élément, de qualité optique, doit être adapté, stable, compatible et respectueux de l'intégrité des tissus.
L'histoire de la neutralisation cornéenne et des verres de contact est inséparable de l'histoire des sciences médicales et physiques, en particulier de l'anatomie et de la physiologie cornéenne et lacrymale, des procédures de mesure des coordonnées oculaires, de l'optique générale et ophtalmique et des techniques de travail du verre.
Chapitre I Les immersions oculaires de Léonard de Vinci
Certains auteurs ont reconnu des modèles de neutralisation cornéenne dans quelques croquis et textes de Léonard de Vinci. Il s'agit d'immersions faciales ou même oculaires dans des coupes remplies d'eau aux feuillets 3 verso et 7 verso du Manuscrit D. Plus rarement on cite la coupe du feuillet 118 verso du Manuscrit K et celle du feuillet 218 recto du Codex atlanticus. Il est permis de mettre en doute la réalité de ces attributions dans ces documents de la fin du XVe siècle et du début du XVIe. Il est surtout très improbable que Léonard de Vinci ait été conscient d'utiliser une neutralisation, même s'il avait employé des immersions faciales ou oculaires dans ses descriptions théoriques et spéculatives, pour la représentation d'un oeil schématique, les démonstrations de l'effet des miroirs sphériques, et l'explication de la perception du champ visuel périphérique.
Fig. 1 - Léonard de Vinci, (extrait du folio 3 verso du Manuscrit D). Ce croquis illustre le texte adjacent, où Léonard de Vinci propose la construction d'un oeil artificiel en vue d'une expérience destinée à expliquer un hypothétique redressement des images par un double croisement à l'intérieur de l'oeil. Il est erroné de voir dans les croquis de Léonard de Vinci l'illustration du principe des verres de contact. |
Chapitre II Le tube de contact de René Descartes
Un passage du chapitre de La Dioptrique, essai annexé au Discours de la Méthode de René Descartes, est souvent interprété comme une description du principe de contact. Il ne s'agit toutefois que de spéculations, mal fondées, inapplicables et erronées du point de vue optique, par lesquelles Descartes cherche à illustrer, par un " raisonnement cartésien ", la démonstration de l'effet optique du télescope. Même si son hypothèse envisage le contact avec la cornée d'un liquide maintenu par une structure spécifique, la neutralisation cornéenne n'est pas le but recherché et la structure tubulaire décrite ne présente aucune caractéristique d'un verre de contact.
Chapitre III Le cône de contact de Christian Huygens
Christian Huygens a montré, en 1653 dans le Traité de la réfraction et des télescopes, l'inanité de la démonstration de Descartes. A son tour il place, dans son postulat, un cône de verre directement contre l'oeil en "adaptant" sa courbure à celle de l'oeil. Cette démarche qui n'implique ni un contact, ni une neutralisation cornéenne, évite à l'auteur de tenir compte de la réfraction entre les surfaces de l'oeil et du verre et facilite ainsi sa démonstration de la marche des rayons dans un cône télescopique.
Chapitre IV Le contact oculaire de Philippe de La Hire
Dans son Traité des différens accidens de la vuë, publié en 1694, Philippe de La Hire a utilisé le même procédé de raisonnement pour appuyer ses théories, fantaisistes et inexactes, de l'efficacité et de l'inefficacité des verres de bésicles pour la correction de certains types de myopie. Pour simplifier son raisonnement, il place également les verres directement contre la cornée et admet la similitude des indices de réfraction du verre et des milieux oculaires. Ses publications ultérieures prouvent qu'à cette époque il n'avait pas songé à la neutralisation du dioptre cornéen et qu'il n'avait jamais eu l'intention de réaliser ces expériences.
Conclusion de la première partie
Les spéculations et les hypothèses des XVIe et XVIIe siècles correspondent à la confrontation des théories antiques de la vision avec les prémices d'une explication rationnelle des phénomènes d'optique catoptrique et réfractive rapportés à l'oeil humain. Même si l'on peut reconnaître dans certains textes et figures de cette époque des allusions à la neutralisation ou au contact de la cornée, ce ne sont que le fruit de spéculations, d'hypothèses ou d'extrapolations erronées. Aucun argument ne prouve que leurs auteurs en auraient été conscients ou auraient envisagé leur utilisation en vue d'investigations, ou encore moins de corrections des anomalies de la réfraction.
Chapitre V La neutralisation du dioptre cornéen d'un oeil vivant par Jean Méry
Le 12 novembre 1701, Jean Méry rapporta à l'Académie royale des sciences, qu'en plongeant dans l'eau la tête d'un chat qu'il s'apprêtait à noyer, il avait neutralisé les irrégularités cornéennes et aperçu des éléments du fond de l'oeil de cet animal. Après avoir répété l'expérience du chat immergé, Philippe de La Hire compléta, le 20 mars 1709, l'interprétation de Méry en expliquant le mécanisme optique de la visualisation du fond de l'oeil à travers l'eau.
Fig. 2 - Jean Méry, (extrait du registre des procès-verbaux des séances de l'Académie royale des sciences pour l'année 1704)
En 1704, le médecin Jean Méry décrit l'expérience par laquelle il avait observé, grâce à la neutralisation du dioptre cornéen, l'image du fond de l'œil d'un chat qu'il s'apprêtait à noyer. L'explication du phénomène sera donnée en 1709 par le physicien Philippe de La Hire. (Document des Archives de l'Académie des sciences, Paris).
Chapitre VI La cuve de neutralisation cornéenne de François-Pourfour du Petit
Le 12 juin 1728, l'académicien François-Pourfour du Petit, rapporta à l'Académie royale des sciences, qu'en plongeant des yeux de cadavres humains et animaux dans une cuve à parois de verre, remplie d'eau, il avait sciemment neutralisé l'effet de leur dioptre cornéen. Cette expérience a permis à Petit la première description exacte de la structure et de la topographie du segment antérieur de l'oeil, en particulier de l'iris, dont il déduisit par la suite la procédure la plus efficace de l'opération de la cataracte.
Chapitre VII L'immersion cornéenne de Thomas Young
Le 27 novembre 1800, Thomas Young a exposé à la Royal Society of London, une expérience sur le pouvoir d'accommodation du cristallin, au cours de laquelle il avait neutralisé le dioptre cornéen de son oeil en l'immergeant partiellement dans l'eau contenue dans une cuve improvisée. Il illustre son exposé par un croquis, où l'oeil pénètre par le haut dans la cuve tenue à l'horizontale. Ceci contredit les représentations courantes où, pour évoquer un verre de contact, les auteurs ont figuré le dispositif à la verticale en avant de l'oeil.
Fig. 3 - Thomas Young, (figure 13 de la planche III, Philosophical Transactions of the Royal Society of London, 1801) En 1800, le médecin Thomas Young rapporte à la Royal Society of London son expérience de la neutralisation du dioptre cornéen par l'immersion de son propre œil dans un liquide et le remplacement du dioptre neutralisé par celui d'une lentille insérée à la face inférieure de la cuve improvisée à partir d'un oculaire de microscope. |
Chapitre VIII Les fac-similés cornéens de John Frederick William Herschel
Le 12 décembre 1827, John Frederick William Herschel acheva la rédaction d'un article pour l'Encyclopaedia metropolitana, où il propose, sans songer à les appliquer, plusieurs moyens pour corriger l'astigmatisme cornéen irrégulier. Par analogie à George Airy qui avait corrigé son astigmatisme régulier par un verre sphéro-cylindrique de bésicles, il propose la correction de l'astigmatisme irrégulier par une lentille dont la face tournée vers l'oeil serait une intaille de la surface cornéenne. En alternative, il évoque de combler l'espace entre un verre sphérique de bésicles et la cornée irrégulière par une gelée transparente ou de façonner une des faces de ce verre en fac-similé à partir d'un moulage cornéen.
Conclusion de la seconde partie
Au cours du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe, les travaux de l'Académie royale des sciences, puis de la Royal Society of London ont permis aux milieux scientifiques de prendre conscience que la neutralisation du dioptre cornéen était réalisable même sur l'oeil humain vivant, qu'elle constituait une procédure d'investigation valable des milieux oculaires et qu'elle pouvait servir, avec quelques réserves, aux expériences d'optique physiologique.
Chapitre IX L'époque des orthoscopes
La neutralisation cornéenne par une cuve à parois de verre remplie d'eau, appuyée contre l'orbite, fut utilisée, en 1851 par Johann Nepomuk Czermak, pour ses études d'anatomie topographique de l'oeil vivant, sous forme d'un instrument qu'il dénomma orthoscope. La même année, cet appareil fut perfectionné et adapté à l'examen clinique par Hasner, Arlt et Coccius. Ce dernier décrivit en 1852, la neutralisation de la cornée en vue de l'examen rétinien par une goutte d'eau maintenue sous une lame de verre.
Fig. 4 - Johann Nepumuk Czermak (figure 7 de la planche hors texte, Vierteljahreschrift für praktische Heilkunde, 1851)
En 1851, le physiologiste Johann Nepomuk Czermak de Prague, neutralise le dioptre cornéen par une cuve à parois transparentes, dénommée orthoscope, pour l'étude physiologique et anatomique d'yeux vivants. Dès cette période, l'orthoscope fut utilisé pour l'examen d'yeux malades.
La découverte de l'anesthésie locale oculaire, par Carl Koller en 1884, autorisa par la suite le contact direct temporaire avec l'oeil d'un liquide ou d'un solide, sans provoquer de douleur ou de réaction de défense.
Chapitre X La " lunette de contact " d'Adolf Eugen Fick
En septembre 1887, A.E.Fick soumit à la rédaction des Archiv für Augenheilkunde un travail décrivant l'utilisation sur des yeux à cornée pathologique d'une coque de verre, qu'il dénomma, lunette de contact, effectuant la neutralisation du dioptre cornéen et son remplacement par un liquide maintenu par un verre de qualité optique placé sous les paupières. Après des études préliminaires sur des yeux de lapin, Fick porta lui-même une telle coque scléro-cornéenne avant d'en adapter à six patients.
Fig. 5 - Adolf Eugen Fick, (Archiv für Augenheilkunde, 1888)
En 1888 l'ophtalmologiste Adolf Eugen Fick, professeur d'ophtalmologie à Zurich, décrit l'emploi de coques scléro-cornéennes placées sous les paupières pour la correction des irrégularités cornéennes de six de ses patients
Chapitre XI Le traitement optique du kératocône par Eugène Kalt
Le 20 mars 1888, Photinos Panas présenta à l'Académie de médecine de Paris la première utilisation par son assistant Eugène Kalt d'une coque de contact sur l'oeil d'une patiente atteinte de kératocône. Plusieurs témoignages éclairent le contexte de cet essai, puis de ceux, ultérieurs, avec des verres de contact taillés, dont certains d'un diamètre cornéen.
Chapitre XII les " lentilles cornéennes " d'August Müller
Dans sa thèse de doctorat en médecine, soutenue le 28 février 1889 à la Faculté de médecine de Kiel, August Müller décrivit la correction de sa propre forte myopie avec des verres de contact taillés. Le recoupement de la thèse avec les verres utilisés, conservés au musée de Munich, confirment l'originalité de la démarche scientifique de cet auteur et des améliorations techniques qu'il avait envisagées.
Chapitre XIII Les lendemains de l'invention
Au lendemain de leur invention et malgré les améliorations apportées par David Sulzer de Paris et Henri Dor de Lyon, il s'avéra que les verres de contact n'étaient pas d'utilisation aisée. Soufflés ou taillés, leur poids et leur taille ne permettaient pas le confort compatible avec l'usage prévu d'une correction prolongée des irrégularités cornéennes.
Chapitre XIV L'époque des hydrodiascopes
L'idée de la neutralisation de la cornée par un liquide maintenu dans une structure inspirée de l'orthoscope, donc placée contre le plan cutané et à distance de l'oeil, fut reprise en 1896, par Lohnstein de Berlin et par Siegrist de Berne, pour la correction du kératocône, sous la forme de l'hydrodiascope muni de lentilles correctrices. Ces " lunettes à eau " pouvaient être maintenues plusieurs heures et procuraient une correction optique passagère des kératocônes. La commercialisation des hydrodiascopes se poursuivit jusqu'en 1910.
Fig. 8 - L'hydrodiascope de Lohnstein amélioré par Siegrist
En 1896, le médecin berlinois Lohnstein corrige son propre kératocône par une " cuve à eau " qu'il dénomme hydrodiascope. L'appareil, perfectionné entre autre par le professeur d'ophtalmologie Siegrist de Berne, restera en usage jusqu'en 1910
Conclusion de la troisième partie
La seconde moitié du XIXe siècle et la première décennie du XXe furent marquées par les applications diagnostiques, cliniques et optiques de la neutralisation cornéenne sous forme de lunettes à eau, d'orthoscopes et d'hydrodiascopes. L'anesthésie locale a permis les premières applications des verres de contact. Il s'agissait toutefois d'essais isolés qui, sauf de rares exceptions, rencontrèrent peu d'intérêt auprès de l'industrie optique naissante.
Chapitre XV Les verres de contact soufflés
Au début du XXe siècle, les ocularistes souffleurs de verre Müller de Wiesbaden livrèrent occasionnellement des prothèses oculaires pourvues d'une partie cornéenne transparente. La fabrication de ces coques était empirique, mais dans les mains d'Elschnig, de Helmbold, de Bielschowsky et de Weill elles donnaient des résultats encourageants pour la correction de quelques cas de kératocône. En 1916, Siegrist publia un important travail sur la qualité et la procédure d'adaptation de ces coques soufflées. Leur fabrication fut progressivement améliorée pour atteindre, vers 1920, une relative bonne tolérance, mais grevée d'une médiocre qualité optique.
Fig. 9 - Une coque de verre soufflée
L'ophtalmologiste Helmbold publie en 1913 son expérience de l'utilisation d'une prothèse oculaire munie d'une partie centrale transparente, soufflée par les ocularistes Müller de Wiesbaden. En raison de leur avantage esthétique par rapport aux hydrodiascopes et malgré leur piètre qualité optique, ces coques furent utilisées pour la correction de quelques patients atteints de kératocône.
Chapitre XVI Les verres de contact taillés pour les études d'optique physiologique
À partir de 1912, les ingénieurs de l'Institut d'optique Zeiss d'Iéna et les médecins de la Clinique ophtalmologique de cette ville ont réalisé des études d'optique oculaire avec des verres de contact qui possédaient quelques-unes des caractéristiques géométriques des lentilles cornéennes actuelles. Il s'agissait de cupules de verre, taillées et surfacées de diamètre cornéen, destinées à créer des amétropies unilatérales artificielles pour expliquer l'intolérance des lunettes préconisées pour la correction des anisométropies.
Chapitre XVII Les verres de contact taillés pour la correction du kératocône
Les années 1920 à 1929 furent marquées par la commercialisation des verres de contact afocaux taillés par Zeiss de Iéna pour la correction du kératocône. Leur diffusion fut progressive : Stock (1920) ne disposait que l'un seul verre d'essai, Dohme (1922) en avait trois, Siegrist (1925), Sachs (1927) et Weill (1928) quatre. La diffusion de ces coques scléro-cornéennes était d'abord limitée à l'aire germanophone et ne s'étendit aux autres régions qu'à partir de 1928. Conçus pour la correction optique du kératocône, ces verres furent par la suite également essayés chez des patients atteints d'astigmatisme irrégulier, de myopie et d'aphakie unilatérale, pour lesquels l'indication n'était pourtant pas prévue.
Fig. 10 - Trois verres de contact scléro-cornéens taillés de Zeiss (Siegrist, 1925)
À partir de 1920, l'institut Zeiss à Jena mit à la disposition de quelques ophtalmologistes sélectionnés des coques scléro-cornéennes taillées. Utilisée pour la correction du kératocône, la gamme de ces verres, limitée d'abord à deux ou trois exemplaires standard, fut étendue, en 1930 à l'initiative du professeur Heine de Kiel, à la correction de toutes les amétropies. Ces coques taillées selon des critères géométriques intangibles ne possédaient à cette époque pas de correction optique
Chapitre XVIII Les premiers verres de contact taillés pour la correction de toutes les amétropies
En 1929, Leopold Heine de Kiel présentait au Congrès international d'ophtalmologie d'Amsterdam les premiers résultats de la correction de toutes les amétropies, en particulier des myopies faibles, avec des verres scléro-cornéens afocaux de Zeiss, disponibles en trois courbures sclérales et à sept rayons cornéens. Les insuffisances et les imperfections de ces verres, l'absence de correction optique, les intolérances et leur poids élevé, firent alterner les succès et les déceptions. Dallos, Sattler, Gualdi Thier et d'autres, proposèrent bientôt des verres de contact plus adaptés, plus respectueux de la physiologie oculaire, munis de correction optique et donc réellement utilisables pour la correction de toutes les amétropies. L'appropriation de ces connaissances par l'industrie de l'optique et de la verrerie allemande ne se fit pas sans de graves malentendus et errements au détriment des malades et des médecins engagés dans ces nouvelles voies. L'expatriation des principaux acteurs (Much, Dallos), la seconde guerre mondiale et l'utilisation des matières plastiques en remplacement du verre, furent à l'origine d'initiatives alternatives, essentiellement anglaises et américaines, au monopole allemand et donnèrent une nouvelle impulsion à la correction par les verres de contact.
Conclusion générale
À la lecture de cette histoire des verres de contact, on observe que les chemins de la connaissance, loin d'être linéaires, sont jalonnés de pièges et de chicanes et empruntent le plus souvent des voies sinueuses où la pensée progresse par à coup, hésite, tâtonne, s'égare, régresse parfois, mais se laisse aussi guider par de géniales intuitions. C'est ce parcours chaotique que nous avons relaté dans les dix-huit chapitres de cette étude qui nous a conduit des hypothèses d'une neutralisation cornéenne au XVIe siècle aux verres de contact du XXe siècle, utilisables pour la correction de toutes les amétropies. Ce parcours, entre les hypothétiques neutralisations dioptriques par l'immersion du visage ou de l'oeil dans un liquide et la réalisation de verres de contact réellement tolérés, fut marqué par des étapes essentielles de l'histoire de l'ophtalmologie, souvent liées à la neutralisation cornéenne, telles les premières études d'anatomie topographique du segment antérieur, la localisation de la cataracte dans le cristallin, la technique de son abaissement, la visualisation du fond d'oeil, la découverte de l'anesthésie locale et les premiers "photogrammes" rétiniens.
Force est de reconnaître que l'histoire des verres de contact, telle qu'elle est habituellement livrée dans les traités classiques, a accumulé un retard considérable par rapport à l'histoire des autres branches de l'ophtalmologie et de la médecine et que bien des lacunes, des erreurs et des formulations insatisfaisantes continuent à la hanter. Cette dérive justifie notre récusation des impostures, des distorsions, des anachronismes, des occultations, des amphibologies, des ambiguïtés, des zones d'ombre, et de certaines formulations basées souvent sur des citations tirées hors de leur contexte rédactionnel ou social qui, sans parfois produire réellement de faux, proposent une explication non conforme à la réalité historique.
En rédigeant cette thèse, en situant les faits dans le contexte de leur rédaction et des connaissances de l'époque, en soumettant les témoignages et les documents à la critique objective, en vérifiant les originaux des documents cités, nous pensons avoir déjoué les pièges des formulations, falsifications et impostures volontaires ou non et des argumentations inacceptables que nous dénonçons. La reproduction, dans le troisième volume de ce travail des documents de référence permet au lecteur de vérifier notre argumentation.
La thèse est présentée en 3 volumes (1068 pages), elle comprend :