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Allergies oculaires
Nous remercions le Dr Richard Niddam, directeur de la publication du mensuel Réalités Ophtalmologiques, et le Dr Gabriel Elie qui ont donné leur accord pour l'utilisation des photos de ce chapitre.
Les phénomènes oculaires allergiques sont très fréquents au sein de la population et sont parfois difficiles à traiter car les allergènes en cause se retrouvent dans l'environnement des patients. On assiste souvent à des récidives des crises allergiques. L'enquête étiologique doit associer les médecins aménés à prendre en charge ces patients (ophtalmologiste, allergologue, généraliste, pédiatre). Des formes graves comme les conjonctivites vernales retentissent sur la vie sociale ainsi que sur le moral des enfants et de leurs familles.
Quand un patient a déjà rencontré un antigène ("molécule différente des constituants du soi"), un nouveau contact peut entraîner une réaction importante, une réaction d'hypersensibilité mettant en jeu les lymphocytes B et T. On décrit 5 types différents, que l'on peut voir au niveau de la cornée, de la conjonctive, des annexes ou des tissus oculaires:
Les réactions d'allergies oculaires sont principalement de type I, avec des lésions surtout cornéeennes et conjonctivales.
a) Conjonctivites saisonnières (Seasonal allergic conjunctivitis (SAC))
C'est tout à fait typique, dès que le patient a été exposé à l'allergène (pollens, graminées...). Il présente une hypersensibilité de type I, avec des yeux rouges, qui démangent, larmoyants, des paupières gonflées et parfois un chémosis (gonflement de la conjonctive). Ce chémosis inquiète souvent les mères qui amènent en urgence le gamin qui a "l'oeil qui gonfle"... mais le temps d'arriver tout s'est normalisé le plus souvent. Ces enfants se frottent énergiquement les yeux par périodes, avec un nez qui coule.
Cette réaction est due à un production locale d'IgE avec libération d'histamine, de prostaglandines, de leucotriènes...
Conjonctivite saisonnière
Ces symptômes sont rythmés par les pollens des arbres qui tombent en masse à certaines périodes de l'année. Ils s'accompagnent souvent de "rhume des foins" (hay fever des anglo-saxons).
Le traitement préventif sera l'éviction de l'allergène (éviter de sortir dans la campagne, ne pas tondre la pelouse, ne pas couper de fleurs...).
Le traitement curatif repose sur:
b) Conjonctivites perranuelles (Perennial allergic conjunctivitis (PAC))
Les signes cliniques sont moins violents et se répètent tout au long de l'année car les allergènes en cause sont principalement la poussière et les acariens qu'on retrouve dans les maisons. Mais ce ne sont pas les seuls, loin de là, et on peut incriminer les phanères des animaux et toute sorte de causes (produits d'entretien et de nettoyage...).
On note une hyperhémie conjonctivale, donc des yeux rouges, irrités et prurigineux. Les signes sont variables, se calment et reviennent périodiquement. On note une conjonctive couverte de papilles.
c) Conjonctivites atopiques (Atopic keratoconjunctivitis (AKC))
Des signes généraux d'atopie (eczéma, asthme) s'associent à une forme située entre les kératoconjonctivites printanières et les conjonctivites perranuelles. On décrit des nodules de Trantas (ou Horner-Trantas) qui sont des accumulations de cellules épithéliales altérées et d'éosinophiles, une conjonctive pâle, des infiltrats limbiques et parfois un pannus. Le traitement associe antihistaminiques et parfois corticoïdes.
On décrit dans ce cadre des conjonctivites survenant rapidement après l'instillation de collyres tels que Atropine, Mydriaticum®, benzalkonium...
Allergie aux collyres
Les yeux rougissent de suite et les symptômes s'améliorent très nettement dès l'arrêt du médicament.
Le rapport avec le kératocône n'est pas clair, mais semble exister.
d) Conjonctivites printanières de l'enfant ou conjonctivites vernales (Vernal keratoconjunctivitis (VKC))
Cette affection de l'enfant entre 4 et 12 ans, principalement un garçon, est souvent invalidante, avec des signes fonctionnels très importants. La conjonctivite apparaît au printemps avec une photophobie et un prurit majeurs. Les enfants se plaignent d'une sensation de corps étranger, semblable à un grain de sable, qui les irrite constamment et on note parfois un blépharospasme.
Les yeux sont très rouges, avec d'énormes papilles sous-palpébrales qui frottent sérieusement la cornée et peuvent même la léser.
On observe souvent des nodules de Trantas au bord du limbe, avec une réaction conjonctivale très nette à proximité.
Les lésions cornéennes vont de la kératite ponctuée superficielle à l'ulcère torpide difficile à soigner et qui peut laisser des séquelles. Un fort astigmatisme peut même en résulter et être difficile à corriger par un verre correcteur.
Taie cornéenen paracentrale
Conjonctivite printanière
Le traitement est souvent très difficile, et associe des collyres antihistaminiques par voie locale et générales, et parfois une corticothérapie conduite avec précautions. On peut parfois ajouter un collyre à la ciclosporine à utiliser avec surveillance.
Le port d'une lentille silico-hydrogel peut parfois mettre la cornée à l'abri des enzymes protéolytiques de la conjonctive et favoriser sa cicatrisation. Ces tableaux sont donc toujours sévères pour ces enfants chez qui on note un retentissement scolaire et social, et qui ont essayé tous les collyres du marché.
Heureusement elle s'atténue souvent à l'adolescence.
e) Conjonctivites giganto-papillaires (Giant papillary conjunctivitis (GPC)
Il s'agit de conjonctivite décrites principalement chez les patients porteurs de lentilles de contact car elles frottent sur la conjonctive et vont l'irriter. Les 10.000 clignements journaliers vont augmenter progressivement les lésions conjonctivales.
Ce type de conjonctivite se retrouve chez 1 à 10% des porteurs de lentilles souples et 1% des porteurs de rigides. Différents stades ont été décrits, les plus bénins présentant de petites papilles, jusqu'au stade IV regroupant les patients qui ont les papilles géantes. Les papilles de la conjonctive tarsale ont alors une taille supérieure à 1mm, ce qui est très important.
Le fait que l'on trouve à la surface des lentilles des dépôts, des bactéries ou des allergènes, favorise les réactions giganto-follliculaires de la conjonctive tarsienne.
On peut les traiter avec des collyres anti-dégranulation mastocytaire, et parfois le changement du type de lentilles ou de produit d'entretien qui sera choisi sans conservateur.
Elles ressemblent un peu aux formes printanières mais s'en différencient par l'âge de survenue et l'absence de lésion cornéenne.
Il ne faut donc pas oublier de regarder la conjonctive tarsale des porteurs de lentilles.
On peut aussi trouver ce type de lésions chez les patients porteurs de prothèse oculaire ou ayant des fils chirurgicaux irritant la conjonctive tarsale. Il faut donc ne pas oublier de faire polir les prothèses oculaires une fois par an environ, et enfouir les fils chirurgicaux ou les enlever si possible.
Urticaire palpébral
Il peut rentrer dans le cadre d'un urticaire généralisé (atopie) ou être isolé. Les causes sont souvent difficiles à retrouver; on incriminera des allergènes de l'environnement du sujet.
Dermatite atopique
Elle est due à une hypersensibilité de type I et de type IV et associe une allergie palpébrale à des lésions plus importantes, comme une cataracte atopique et une conjonctivite de type printanier.
Eczéma
Un oedème desquamatif s'ajoute à une irritation, un larmoiement. La cause peut être retrouvée dans les produits de maquillage, les collyres de nature variée.
Blépharite
On décrit une desquamation du bord des paupières, souvent associée à des troubles de sécrétion des larmes, une meibomite (inflammation des glandes de Meibomius). Le traitement est souvent décourageant, avec un passage à la chronicité des lésions. Un nettoyage attentif des paupières améliore les choses, avec tamponnement de compresses tièdes et massage des bords libres palpébraux.
On retrouve trois éléments présents dans ces tableaux cliniques, une anomalie de la réfraction de la vision binoculaire, l'atopie et les allergènes.
Kératite ponctuée superficielle (KPS)
Cela correspond à un piqueté fluo+ que l'on note avec une grande constance au fil des examens, et qui persiste malgré divers traitements. L'évolution est fonction de la cicatrisation de la conjonctive.
Kératite stromale
Ces kératites sévères sont dues à des infiltrations profondes des réactions allergiques, avec souvent une participation uvéale. On peut observer une baisse de la vision s'il persiste un néphélion ou une taie, avec souvent un appel vasculaire.
Kératite périphérique
On décrit des nodules paralimbiques pouvant entraîner un pannus conjonctival. Les ulcères de la rosacée sont séparés du limbe par une bande de cornée claire. La corticothérapie aggrave les choses, il faut utiliser les cyclines pour traiter cette pathologie.
Elles sont fréquentes et associées à des pathologies générales, comme la polyarthrite rhumatoide, périartérite noueuse, maladie de Crohn, maladie de Behçet...Il faut donc faire un bilan étiologique surtout si elles récidivent.
Il y a sensibilisation à un allergène exogène ou endogène (un tissu de l'organisme du patient). Les uvéites exogènes sont d'origine bactérienne (streptocoque, bacille de Koch), virale (herpès) ou parasitaire (toxoplasmose).
Les uvéites endogènes sont illustrées par la rare et redoutable ophtalmie sympathique qui correspond à une inflammation oculaire sévère après perforation de l'oeil adelphe et lésion de l'uvée. Les traitements chirurgicaux de réparation actuels évitent en principe cette pathologie qui peut aboutir à la perte du deuxième oeil.
La cataracte atopique est généralement bilatérale, et apparaît après une quinzaine d'années d'évolution de la dermatose atopique.
Association Française pour la Prévention des Allergies (AFPRAL)
Réseau national de surveillance aérobiologique
Madame de Sévigné se plaignait des yeux qui présentaient chaque année des conjonctivites allergiques: "Mes pauvres petits yeux sont abîmés" disait-elle en 1673 dans sa correspondance à Mme de Grignan.
Malgré une augmentation des allergies dans les pays industrialisés, l'émergence de nouvelles molécules thérapeutiques devrait permettre une meilleure prise en charge de ces pathologies très fréquentes. Les patients pourront ainsi être soulagés tout au long de l'année.
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