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Les traumatismes de l'oeil sont des pathologies très fréquentes en consultation d'ophtalmologie. Leur gravité est très variable, et seul un examen attentif peut noter les différentes parties de l'oeil atteintes par le traumatisme. Une absence de douleur n'est pas un critère de bénignité.
En France on a remarqué une importante diminution des plaies graves perforantes de l'oeil, depuis que les pare-brises des voitures sont devenus feuilletés, car ils n'explosent plus dans le visage des automobilistes. Une perforation des deux yeux était fréquente il y a 20 ans. Un autre élément qui est responsable de l'amélioration de la sécurité oculaire, c'est la meilleure protection des travailleurs (industries métalliques, travail du bois...). Il s'agit là d'un progrès important qui a beaucoup limité les accidents.
Il reste tout de même les activités sportives qui peuvent donner des lésions oculaires variées (tennis, squash, rugby, ...).
Il persiste aussi malgré tout une dangerosité de certains jouets d'enfants (pistolet à billes, arc...), des outils de jardinages (débrousailleuses, tondeuses), de tout ce qui est présent dans l'environnement (bouchon de champagne, fil de fer, branche d'arbre, ongle du nouveau-né...).
Nous ne ferons qu'évoquer ce vaste chapitre, en citant des personnages célèbres qui ont subi des traumatismes oculaires graves, de l'amiral Nelson à Louis Braille ou Léon Gambetta.
Il s'agit d'un choc sur l'oeil, sans qu'il y ait de plaie.
Le diagnostic est le plus souvent facile, le patient décrivant les circonstances de survenue. Si le traumatisme est léger il ferme les yeux et ne se plaint pas trop.
Les plus bénins de ces traumatismes sont dus à un coup de doigt, ou à un choc léger. L'examen met en évidence un segment antérieur normal avec une pupille réactive et peu ou pas de photophobie. On remarque souvent une hémorragie sous-conjonctivale bénigne, comme ci-dessous, qui disparaîtra spontanément. La pression intra-oculaire est normale, ainsi que le fond d'oeil. Devant ces cas peu graves, un traitement local simple est parfois prescrit (anti-inflammatoire et/ou antiseptique).
L'importance d'un bon examen ophtalmologique est primordiale car parfois les patients ne décrivent pas les circonstances réelles de l'accident et mentent pour ne pas accâbler un proche par exemple.
L'examen d'un oeil traumatisé doit donc toujours se faire avec précautions, surtout s'il y a un oedème palpébral. L'ouverture des paupières doit se faire tout doucement car on ne sait pas s'il n'y a pas de plaie perforante du globe. En cas de manoeuvre inadéquate des paupières, on peut assister à l'expulsion du cristallin par la plaie, parfois suivi par le vitré et la rétine. Il ne restera alors plus qu'à prévoir une éviscération ou une énucléation.
Les plus graves de ces contusions sont dues à un traumatisme violent par balle de petit diamètre (tennis ou squash), club de golf, pistolet à billes, carabine à plomb, ou bouchon de champagne (dramatique).
La douleur est nettement plus importante que précédemment, parfois accompagnée de nausées et/ou de vomissement. Le patient a parfois du mal à se tenir debout, est pâle et il est souvent difficile à examiner.
On note tout de suite une rougeur oculaire importante et souvent du sang dans la chambre antérieure, un hyphéma. On fait un bilan lésionnel complet pour ne pas laisser passer une lésion cachée (rupture de la sclère en arrière, perforation minime) et on contrôle la pression intra-oculaire, souvent élevée au delà de 25 ou 30mmHg. Il faut hospitaliser ces accidentés pour un traitement et une surveillance régulière de la pression intra-oculaire et des lésions.
L'hématocornée est une complication grave. Le sang pénètre dans la cornée qui devient opaque, avec une vision quasi nulle. L'hématocornée survient assez rapidement après le traumatisme. Les produits de dégradation des globules rouges pénètrent dans le stroma cornéen à cause de l'hyperpression qui règne dans la chambre antérieure.
L'évolution est souvent longue et la récupération de l'acuité visuelle est variable. Le traitement médical de l'hypertonie est donc primordial. On est parfois amené à traiter chirurgicalement l'hématocornée si au bout d'une semaine le tableau ne s'améliore pas du tout (lavage, ablation des caillots). Cela peut même aboutir à une kératoplastie, avec tous les risques que cela comporte.
Le pronostic de ces contusions se trouve souvent au niveau du fond d'oeil car des lésions rétiniennes sont souvent associées (contusion du pôle postérieur, oedème de Berlin, décollement de rétine). Le bilan lésionnel comprend une échographie quand la rétine n'est pas visible, éventuellement une angiographie pour déceler un oedème maculaire. Des examens plus précis encore permettent un suivi remarquable, comme l'OCT (Optical Coherence Tomography).
Des lésions de la membrane de Bruch peuvent survenir au niveau du fond d'oeil. On décrit des lignes concentriques par rapport à la papille, souvent accompagnées d'hémorragies rétiniennes. Le plus grand risque étant le développement de néovaisseaux à ce niveau, il faut prévenir le patient de consulter en urgence s'il voit des déformations des images (métamorphopsies).
Une cataracte traumatique peut s'ajouter au tableau et nécessiter une intervention dans les suites. Une hémorragie du vitré peut compliquer l'examen optique de la rétine.
Les corps étrangers cornées sont quotidiens pour l'ophtalmologiste, le plus fréquent étant la limaille reçue lors d'une utilisation, sans protection oculaire, d'une meule. Parfois le seul fait de passer dans l'atelier à côté de collègues qui meulent, suffit pour recevoir un tel corps étranger.
Ils sont très douloureux et le patient ne dort pas la nuit s'il ne l'a pas fait enlever.
Le diagnostic est facile car le corps étranger cornéen est visible à la lampe à fente, planté dans la cornée. Il rouille très vite, en quelques heures. Il faut donc l'enlever sans trop tarder car la rouille irrite le segment antérieur et peut entraîner un oedème localisé de la cornée. Si le corps étranger est petit, le patient parfois peut le supporter et ne le faire enlever qu'au bout de quelques jours. L'ablation est facilitée car le morceau de fer et la rouille ont formé un agglomérat facile à retirer. Si le grain est incrusté au niveau du limbe, l'extraction va être un peu plus délicate car cette zone est très sensible et douloureuse.
L'ophtalmologiste utilise pour l'ablation des aiguilles à usage unique ou bien des instruments stérilisables. Un traitement antiseptique est prescrit quelques jours par la suite, parfois associé à un pansement oculaire occlusif.
De nombreux autres corps étrangers, non métalliques, peuvent être retirés de la cornée (poils de chenille, morceau végétal...).
Les plaies non perforantes sans corps étranger représentent les ulcères de cornée traumatiques. Le plus typique est le coup d'ongle du jeune enfant porté par sa mère. Elle reçoit le doigt de l'enfant dans l'oeil, ressentant une vive douleur qui l'amène à consulter.
Vaste ulcère cornéen
Mise en évidence avec la fluorescéine
Le diagnostic est fait à la lampe à fente, grâce à une goutte de fluorescéine qui met bien en évidence un ulcère aux bords irréguliers, superficiel, plus ou moins étendu sur la cornée. La photophobie et les céphalées sont importantes et l'examen parfois un peu difficile. L'ophtalmologiste instille une goutte d'anesthésique cornéen pour pouvoir examiner l'oeil. On ne prescrit jamais d'anesthésique à un patient qui a un oeil douloureux car il y a un risque de lésions gravissime, correspondant à une kératite neuro-paralytique.
Le traitement comprend un collyre antibiotique et/ou cicatrisant, avec un pansement oculaire d'au moins 24heures pour que l'épithélium cornéen puisse cicatriser sans être irrité par les battements des paupières. Il est conseillé de mettre 2 rondelles oculaires l'une sur l'autre pour que le volume soit assez important, et de les appliquer serrées sur l'oeil avec le sparadrap.
Les plaies oculaires avec perforation de l'oeil sont graves et doivent être diagnostiquées, puis prises en charge dans un service spécialisé d'ophtalmologie.
L'interrogatoire est primordial, bien qu'il faille s'en méfier comme on l'a vu. Si le patient dit que l'accident est arrivé lors de l'utilisation d'une débrousailleuse, d'un marteau sur un burin, on craint beaucoup la plaie perforante. Les explosions sont aussi très dangereuses pour les yeux.
La douleur n'est pas un signe fonctionnel constant, donc il faut se méfier. Les patients croient souvent que la douleur est proportionnelle à la gravité du traumatisme, ce qui est faux. Un ulcère par coup d'ongle n'est pas grave mais est très douloureux, alors qu'une perforation par fil de fer n'est que peu ou pas douloureux, mais est généralement grave.
L'examen est souvent évident, avec une pupille déformée et une hernie d'iris hors de la cornée, quand ce n'est pas du vitré ou de la rétine. Devant une lésion cornéenne minime on recherche une perforation en instillant une goutte de fluorescéine. En lumière bleu cobalt on regarde s'il y a sortie de l'humeur aqueuse qui dilue la fluo, c'est le signe de Seidel. Perforation ne veut pas dire obligatoirement opération, mais bilan complet et surveillance++
Un pupille qui n'est pas ronde signe souvent une altération du segment antérieur et doit faire craindre des lésions importantes.
Le traitement est la plupart du temps chirurgical. Il faut donc maintenir le patient à jeun, vérifier sa vaccination anti-tétanique et l'adresser au service d'ophtalmologie qui l'opèrera.
Le plus grand risque est peut-être de ne pas diagnostiquer une plaie oculaire. Cela peut arriver chez les polytraumatisés qui présentent des fractures multiples et pour lesquels on a remarqué une plaie de la paupière supérieure qui ne paraît pas grave, eu égard aux autres lésions. Il faut absolument qu'un ophtalmologiste fasse le bilan oculaire, car on se rend compte parfois que le morceau de verre a bien blesssé la paupière, ce qui n'est pas grave, mais est aussi passé à travers et est allé perforer le globe oculaire en dessous.
Le bilan précis doit rechercher des plaies en arrière de la cornée, même si le segment antérieur est normal. Ainsi on peut déceler une plaie sclérale comme sur l'image ci-dessous, avec parfois l'émergence de vitré par la plaie. Quand on voit la rétine expulsée par la plaie, on peut dire que l'oeil est perdu. Il faudra tout de même bien l'opérer pour éviter qu'une inflammation gravissime ne touche l'autre oeil sain. C'est la redoutable ophtalmie sympathique qu'on ne voit plus, heureusement, quand le patient est pris en charge.
La découverte de ces plaies sclérales n'est pas toujours aisée car elles se cachent parfois sous la conjonctive. L'oeil est très rouge, la conjonctive hémorragique et la personne parfois agitée, ce qui rend l'examen difficile, mais il ne faut pas passer à côté de ces lésions.
Les plaies perforantes peuvent être dues à la projection de corps étrangers. Cela n'a rien à voir avec le grain de meule. Il s'agit ici de morceaux (métallique souvent) qui traversent la cornée et vont se loger dans l'oeil ou même derrière l'oeil, dans l'orbite. La photo suivante montre un morceau métallique planté dans le cristallin qui s'est cataracté aussitôt. Le seul fait de toucher le cristallin sufffit à le rendre opaque. Il faudra donc opérer le blessé de cataracte car il n'y voit rien de cet oeil.
Ceci explique qu'il faille toujours faire une radio du crâne face, profil et Blondeau à la recherche de corps étranger intra-oculaire (ceio). On a parfois des surprises. Sur la radio de dessous on voit très bien un corps étranger métallique radio-visible au niveau de l'orbite gauche. Ne pas diagnostiquer un ceio peut aboutir à des complications plus ou moins sévères (sidérose, chalcose, perte de l'oeil).
La sidérose est la diffusion de fer dans l'oeil, à partir d'un corps étranger en fer siégeant dans l'oeil. Cela entraîne une mydriase aréflexique, une couleur jaune verdâtre de l'iris, un glaucome sidérotique et la destruction de la rétine par intoxication neuro-épithéliale.
La chalcose est plus rare. C'est le même phénomène que la sidérose, avec un élément de cuivre intra-oculaire qui donne quasiment les mêmes signes que la sidérose. L'évolution est plus rapide vers le glaucome chalcosique et l'extinction des signaux électro-physiologique signant la destruction des cellules visuelles rétiniennes.
Il est parfois possible de voir directement le corps étranger planté dans la rétine, en examinant le fond d'oeil:
Les séquellles de ces traumatismes peuvent être observées, de la petite taie cornéenne au gros délabrement oculo-orbitaire. Dans cet oeil ci-dessous les dégâts ont surtout touché l'ris nasal qui a été réséqué.
En revanche dans celui-là le traumatisme a été très important et l'oeil ne fonctionne plus, le patient n'y voit rien. Il manque la moitié de l'iris, le cristallin cataracté apparaît derrière, et il est probable que le segment postérieur a été atteint.
Séquelle de plaie perforante
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Il est possible que les lésions oculaires soient associées à des fractures de l'orbite ou des plaies des paupières. Il faudra alors suturer ces plaies, en n'oubliant pas de bien examiner l'oeil. Une chirurgie des fractures orbitaires est parfois nécessaire.
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