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Communiqué de presse du 08/07/2022
Depuis 2007, les opticiens-lunetiers sont autorisés à renouveler et adapter les verres correcteurs à partir d’une ordonnance médicale encore valide, sauf opposition du médecin. Après une première enquête réalisée en 2019 pour évaluer les résultats de la mise en place de cette mesure, le SNOF renouvelle l’expérience en 2022 avec une étude* miroir menée auprès des ophtalmologistes et des patients. Dans la lignée de l’étude 2019, la grande majorité des ophtalmologistes (82 %) déclarent que les opticiens ne s’acquittent pas ou rarement de l’obligation d’information au prescripteur lors d’un renouvellement de verres correcteurs avec adaptation. Un manque de coordination qui nuit au suivi médical des patients et qui pèse sur la relation entre médecins et opticiens, puisque seulement 45 % des ophtalmologistes considèrent aujourd’hui que le renouvellement des lunettes chez l’opticien est une bonne mesure, alors qu’ils étaient 81 % à y être favorables en 2019.
Pour le Dr Thierry Bour : « Il s’agit ici de la plus ancienne délégation de tâches qui permet à une profession paramédicale d’intervenir sur une ordonnance et de la modifier. Cette mesure n’est donc pas anodine, d’autant qu’elle concerne de plus en plus de professions paramédicales, les orthoptistes ayant eux aussi le droit de renouveler et d’adapter les prescriptions optiques depuis 2020. Ce retour du terrain révèle des données intéressantes et incite à la prudence quant au processus d’élargissement de prérogatives à d’autres professions paramédicales. Le fait que le retour d’information vers l’ophtalmologiste pourtant obligatoire, se fasse dans une minorité de cas est inquiétant et explique que la relation de confiance des ophtalmologistes avec les opticiens se dégrade. La santé des patients ne doit pas être prise à la légère et toutes les recommandations médicales et règlementaires doivent être appliquées. »
Si en 2019, la grande majorité des ophtalmologistes (81 %) avait accepté le renouvellement des équipements optiques chez l’opticien, on constate cette année un net recul chez les répondants qui sont seulement 41 % à estimer qu’il s’agit d’une bonne mesure. A l’inverse, 45 % des ophtalmologistes estiment que le renouvellement des lunettes chez l’opticien est une pratique inutile, inefficace voire risquée pour les patients (38 % chez les ophtalmologistes de moins de 50 ans et 49 % chez les plus de 50 ans). Face à cette défiance, 25 % des répondants souhaiteraient que le volume de renouvellement chez l’opticien diminue contre 14 % en 2019. Par ailleurs, seulement 20 % des ophtalmologistes considèrent que leurs patients sont globalement favorables à cette mesure.
Du côté des patients, le renouvellement chez les opticiens peine également à convaincre. Ainsi, une forte majorité des patients (81 %) préfère consulter régulièrement leur ophtalmologiste plutôt que de se rendre directement chez un opticien pour renouveler leurs lunettes. A l’inverse, moins de deux patients sur 10 sont prêts à se rendre chez l’opticien. Les plus jeunes sont également concernés par cette évolution : 23 % des patients entre 16 et 42 ans déclarent privilégier leur opticien (contre 38 % en 2019, soit -15 %). Aujourd’hui, selon cette enquête,12 % seulement des lunettes seraient renouvelées directement chez l’opticien, et près de la moitié de celles-ci serait adaptée par lui au plan réfraction.
Selon l’étude du SNOF menée auprès de 1 170 patients, 76 % des répondants disent avoir été informés de cette mesure (+5 % par rapport à 2019) principalement par leur opticien (51 %), leur ophtalmologiste (24 %), par les médias (20 %), le bouche à oreille (18 %) l’Assurance maladie ou encore les complémentaires santé (6 %). Depuis 2019, la proportion de patients avertis de l’existence de ce dispositif a augmenté dans toutes les classes d’âge, les répondants les mieux informés restent les résidents des zones où les délais sont parmi les plus longs (79 % pour les départements dont les délais de RDV sont supérieurs à 46 jours). C’est notamment le cas pour les régions Pays de Loire, Grand Est et Hauts-de-France. Il existe tout de même une marge de progression pour informer le reste de la population (24 %).
Malgré cette possibilité, 81 % des répondants indiquent privilégier une consultation chez leur ophtalmologiste pour adapter leurs équipements optiques et ceci de manière plus importante qu’en 2019 toutes catégories d’âge confondues. Ainsi, les patients de 65 ans et plus sont les plus nombreux (88 %) à préférer consulter leur ophtalmologiste pour un renouvellement de lunettes, une habitude souhaitée au vu de la fréquence des pathologies associées. Dans la grande majorité des régions la consultation directe chez l’opticien a diminué, à l’exception de l’Ile de France et de la Normandie.
A l’inverse, 12 % seulement des patients affirment que leurs lunettes actuelles ont été renouvelées directement chez l’opticien sans passer par un ophtalmologiste (11 % en 2019). Un taux stable qui correspond tout de même à un volume de 2,4 millions de paires de lunettes vendues. Parmi ces 12 %, un quart des répondants déclare n’avoir effectué aucun test de vue par l’opticien. Par ailleurs, près de la moitié des renouvellements se ferait avec adaptation selon les patients, chiffre nettement plus élevé que ce qui a été avancé lors des négociations du « 100 % santé ».
Alors que les oppositions au renouvellement chez l’opticien sont rares de la part des ophtalmologistes, le faible taux de retours des opticiens vers les ophtalmologistes se confirme : 82 % des ophtalmologistes déclarent avoir reçu moins de 11 messages dans les trois derniers mois d’un opticien les informant d’une adaptation optique. Une situation d’autant plus présente dans les départements où les délais d’attente pour obtenir un RDV chez les ophtalmologistes sont parmi les plus courts de France. Ce retour d’expérience est corroboré par les patients : seulement la moitié des répondants ayant renouvelé leurs lunettes avec adaptation indiquent que l’opticien a reporté l’information sur l’ordonnance alors même qu’elle est obligatoire.
Dans le cas où la transmission des informations est réalisée, l’utilisation de la voie postale est privilégiée pour 47 % des opticiens contre 66 % en 2019. L’adressage par mail a fortement progressé et est pratiqué par 39 % des opticiens contre 26 % en 2019. A l’ère du Ségur Numérique, le chemin paraît pourtant encore long pour la généralisation de la messagerie sécurisée qui permettrait de faciliter la transmission des informations.
Ce manque d’échange de la part des opticiens cristallise un sentiment de défiance envers cette profession quand on sait que 75 % des ophtalmologistes consignent systématiquement cette information dans le dossier médical du patient, preuve qu’ils y accordent une valeur particulière.
L’étude du SNOF révèle que la majorité des ophtalmologistes estiment que les opticiens sont insuffisamment formés pour effectuer des renouvellements, ces derniers n’ayant pas de formation clinique. Une opinion en forte croissance depuis 2019, + 18 % et qui est davantage partagée chez les plus jeunes praticiens : 64 % des moins de 50 ans et 58 % des plus de 50 ans.
Depuis 2020, les orthoptistes peuvent également renouveler et adapter les prescriptions optiques. Mais cette mesure ne convainc pas non plus les médecins : une grande majorité des ophtalmologistes toutes générations confondues, pensent que les orthoptistes sont insuffisamment formés : 63% des plus de 50 ans et 58 % chez les moins de 50 ans. Ainsi, près des trois-quarts des répondants ne sont pas favorables à l’augmentation du nombre de renouvellement des verres/lentilles chez l’orthoptiste. Peut-être faut-il y voir le retard pris dans certaines régions dans l’application du nouveau programme issu de la réingénierie de 2017. Rappel : en 2019 (enquête SNOF), 62% des ophtalmologistes étaient favorables au renouvellement des verres par des orthoptistes (81% chez les plus jeunes).
Malgré leurs réticences actuelles sur les capacités des orthoptistes et des opticiens, 42 % des ophtalmologistes ne s’opposent jamais au renouvellement des verres correcteurs et/ou lentilles chez l’opticien contre 49 % en 2019 et 50% de temps en temps en fonction de l’état du patient. 58 % des répondants pensent que le nombre de renouvellement des verres / lentilles chez l’opticien doit rester au niveau actuel.
Les ophtalmologistes restent en effet persuadés que cette délégation, associée au développement du travail aidé dans les cabinets, participe à fluidifier et à augmenter la délivrance initiale et le renouvellement des équipements optiques à condition d’être accompagnée d’un cadre strict rendant effectif la transmission d’informations et favorisant la formation des opticiens et orthoptistes. Les ophtalmologistes restent à cet égard donc très attachés à l’obligation d’ordonnance qui permet un examen médical régulier de la population pour dépister et prendre en charge les pathologies oculaires accompagnant les évolutions réfractives des patients.
Dr. Thierry Bour, Président du SNOF ajoute : « Le SNOF demande au nouveau gouvernement d’avancer prioritairement sur la définition des règles professionnelles pour les opticiens et les orthoptistes, ainsi que pour l’entourage technico-commercial. La réingénierie de la formation de l’opticien doit s’accompagner d’un renforcement de l’enseignement de la réfraction. Par ailleurs, le 100% santé doit par exemple pouvoir s’accompagner de mesures pour rendre effective la transmission des données des adaptations des opticiens vers les ophtalmologistes en accélérant la numérisation du parcours de santé (messagerie sécurisée, e-prescription, DMP, espace numérique personnalisé, health data hub). Ce n’est qu’à ces conditions que la délégation du renouvellement des équipements optiques pourra continuer à être crédible auprès des patients. »
La présentation est disponible en cliquant ici
Méthodologie* : Enquête SNOF miroir menée auprès de 525 ophtalmologistes du 25 mai au 14 juin 2022 via un questionnaire en ligne et auprès de 1 170 patients via un questionnaire anonyme remis en main propre dans les cabinets libéraux du 25 mai au 2 juillet. Résultats analysés par J. Raynaud, docteur en géographie de la santé.
A propos du SNOF :
Créé en 1906, le SNOF a pour but « d’étudier et de préparer en collaboration avec les pouvoirs publics et les autorités compétentes l’application des mesures générales de protection de la santé publique pouvant se rapporter à l’exercice de l’ophtalmologie ». Avec ses 2 800 adhérents, il regroupe 2/3 des ophtalmologistes de France et obtient ainsi le taux de syndicalisation le plus élevé des syndicats français.
Il constitue l’interface entre les ophtalmologistes, avec leurs priorités de médecins, l’intérêt de leurs patients, leur volonté de garantir un accès à des soins de qualité et les pouvoirs publics.
Le SNOF propose des schémas éprouvés de délégation de tâches, de collaboration accrue avec les orthoptistes et les opticiens, pour un exercice médical adapté aux ophtalmologistes d’aujourd’hui et de demain, tout en préservant la santé des patients.
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Contact presse
Alice Augeraud – 01 58 65 00 54 / aaugeraud@hopscotch.fr