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Paris, le 9 Juillet 2020 – Dans son rapport annuel Charges et Produits 2021, l’Assurance Maladie révèle les nombreuses pratiques anormales (avec suspicion de fraudes, d’abus de cotation, d’actes non pertinents…) réalisées actuellement au sein de certains nouveaux centres de santé ophtalmologiques. Le SNOF se félicite de cette enquête qui permet de faire toute la lumière sur les hausses de dépenses qui avaient conduit la CNAM à imposer des baisses de cotations pour tous les ophtalmologistes. L’analyse des facturations au sein de ces structures montre en effet des tarifs médicaux bien supérieurs à ceux pratiqués dans les cabinets libéraux. Ces résultats viennent par ailleurs confirmer que le tiers payant est un élément favorisant la fraude et la surfacturation.
Thierry Bour, Président du SNOF, déclare : « Ces résultats mettent en lumière un phénomène latent et ignoré jusqu’alors des payeurs, à savoir une dérive tarifaire importante au sein de nouveaux centres de santé ophtalmologiques, portant préjudice à toute la spécialité. Si le CNAM considère que le développement des centres de santé en ophtalmologie est bénéfique pour l’accès aux soins des patients, il doit se faire dans le respect de l’éthique médicale, de la pertinence des soins et du bon usage de la nomenclature. Les patients et l’Assurance Maladie ne sont pas des tiroirs-caisses : favoriser l’accès aux soins ne doit pas être un alibi à de mauvaises pratiques médicales et tarifaires. La pérennité de la médecine ophtalmologique libérale, la conservation de cotations justes, le maintien de l’éthique et la confiance de nos patients en dépendent ».
Le SNOF alerte sur la hausse du prix moyen par patient en centres de santé
Le rapport annuel de la CNAM révèle que le nombre de personnes prises en charges dans la filière visuelle en ville croît de près de 400 000 patients (+2%) chaque année. La grande majorité de ces patients (> 90%) sont accueillis dans les cabinets libéraux. Parallèlement, les centres de santé ophtalmologiques, fonctionnant exclusivement avec des médecins salariés, accueillent de plus en plus de patients, soit près de 800 000 personnes en 2019 contre 400 000 en 2015, donc une augmentation de +100% en 4 ans.
Si le développement des centres de santé en ophtalmologie devrait s’avérer en théorie bénéfique pour les patients, l’analyse détaillée des facturations menée par la CNAM révèle de nombreuses anomalies et disparités entre les centres de santé ophtalmologiques et les cabinets libéraux.
Point particulièrement sensible, le rapport pointe du doigt l’augmentation exorbitante du coût moyen par patient constatée dans ces centres. Ainsi, en 2019, le coût annuel moyen constaté par patient était de 91,80 euros dans un centre de santé, soit un boom de +80% en 4 ans. En comparaison, dans les cabinets libéraux, le prix moyen par patient a progressé de seulement 11% sur la même période pour représenter 61,6 euros en 2019. Cette prise en charge des patients dans les centres de santé d’ophtalmologie revient pour la collectivité à 69 millions d’euros en 2019 contre 20 millions en 2015, soit une augmentation de 245% !
Facturations de soins ophtalmologiques : le SNOF retient plusieurs pratiques abusives à sanctionner
En cause dans cette hausse de prix : des pratiques abusives, comme la facturation de multiples actes orthoptiques et médicaux, des examens complexes systématisés semblant peu pertinents alors qu’il s’agit souvent de nouveaux patients consultant pour de simples contrôles périodiques.
Ainsi, hors soins orthoptiques, le rapport de la CNAM révèle que sur 110 centres de santé ayant en 2019 une activité significative en ophtalmologie, 20% facturaient en moyenne 82 euros (HSD) par séance, pour la prise en charge d’un patient. Plus de 9% des centres analysés ont quant à eux facturé plus de 100 euros par rendez-vous. En comparaison, 90% des cabinets libéraux facturaient en moyenne moins de 82 euros par patient.
Par ailleurs, une quinzaine des centres de santé analysés ont facturé des soins sur plusieurs jours consécutifs à plus de 10% de leur patientèle, un chiffre qui monte à 75% pour cinq établissements. En comparaison, un cabinet libéral facturait en moyenne des soins ophtalmologiques sur au moins 2 jours consécutifs à seulement 0,5% de sa patientèle. Cela fait suspecter à l’Assurance Maladie la facturation d’actes fictifs ou fausses revoyures.
Enfin, près d’un centre sur 4 a facturé des soins orthoptiques à plus d’un rendez-vous sur deux avec le patient. 15% des centres analysés ont même facturé ces soins à plus de trois rendez-vous sur quatre. En comparaison, les cabinets libéraux facturent des soins orthoptiques à environ 15% des rendez-vous pris avec leur patientèle.
Toutes ces anomalies sont en croissance rapide.
Thierry Bour, Président du SNOF, sonne l’alarme : « Nous alertons depuis longtemps sur ces pratiques déviantes et indignes de professionnels de la santé. Le SNOF tient à souligner les obligations des ophtalmologistes et des orthoptistes qui interviennent dans ces centres ou qui sont tentés d’y aller. Ils doivent faire preuve de la plus grande vigilance sur la pertinence des actes et leur facturation, car ils restent personnellement responsables in fine. C’est à l’ophtalmologiste de déterminer les actes nécessaires et de les coter, et à personne d’autre, en veillant au respect de la nomenclature et des associations permises. Les actes doivent être justifiés médicalement en fonction du motif de consultation et des éléments médicaux constatés. Nous espérons que ce rapport pourra mettre un terme à ces pratiques anormales et attendons avec impatience au second semestre 2020 les conclusions du nouveau programme national de contrôle contentieux portant sur les centres de santé ophtalmologiques qui présentent d’importantes atypies de facturation. Les ARS devraient aussi déclencher des contrôles. Nous exhortons ces centres de santé à retrouver rapidement des pratiques éthiques, responsables et pertinentes, ou à défaut de fermer. Nous appelons également la CNAM à récupérer les sommes indument facturées en tiers payant à la collectivité. A ce sujet et à effet préventif, nous suggérons de rendre obligatoire la facture détaillant les actes réalisés à la fin de la consultation et le port de badges permettant d’identifier la qualité des professionnels (médecins, orthoptistes…).».
Alerte presse du 09/07/2020