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Depuis 10 ans, la chirurgie de la région maculaire a considérablement progressé.
Le développement des techniques chirurgicales est associé à la généralisation de la chirurgie de la macula sous anesthésie locale. L'anesthésie péribulbaire permet d'obtenir une analgésie du globe oculaire, une akinésie (immobilité) du globe oculaire et des paupières.
Grâce aux explications fournies aux patients et à une éventuelle potentialisation par voie intraveineuse selon les cas, en fonction du terrain, sur les prescriptions des médecins anesthésistes, la chirurgie de la macula constitue une bonne indication d'intervention sur anesthésie locale : c'est une chirurgie non douloureuse, dont la durée est inférieure à 1h00. Ainsi, les patients sont plus rapidement remis de leur intervention chirurgicale, et de plus l'intervention sous anesthésie locale autorise sa réalisation dans le cadre d'une chirurgie ambulatoire.
Les complications possibles de la chirurgie maculaire sont essentiellement le décollement de rétine (3 à 5 % des cas) et la cataracte (survenant dans au moins 50 % des cas dans les années qui suivent la chirurgie chez les patients de plus de 60 ans). L'infection est exceptionnelle (inférieure à 0,3 %).
A la surface de la rétine maculaire peut apparaître une fine membrane composée de cellules fibroblastiques et de matrice extracellulaire. Cette membrane diminue la vision en recouvrant (baisse de vision) et/ou en déformant la macula (métamorphopsies, micropsies). Elle est le plus souvent idiopathique, survenant chez des sujets âgés de plus de 65 ans. Elle peut plus rarement être secondaire à une déchirure ou un décollement de la rétine, à une inflammation (uvéite) ou à un traumatisme.
Le diagnostic est fait à l'examen du fond d'œil.
Fig1: Fond d'oeil: membrane épimaculaire épaisse avec bord visible.
Il peut être utile de réaliser une angiographie rétinienne à la fluorescéine pour préciser le retentissement sur la rétine de la membrane épirétinienne (1).
La chirurgie d'une membrane épirétinienne maculaire est indiquée lorsque le patient présente une baisse de vision (en général inférieure ou égale à 4/10), progressive, le gênant dans ses activités, ou lorsqu'il existe des métamorphopsies importantes ou une gêne en vision binoculaire, en particulier à la lecture.
L'amélioration des techniques chirurgicales permet de retirer toutes les membranes épirétiniennes maculaires, qu'elles soient associées à un bord libre, ou pas, qu'elles soient épaisses ou très fines.
Fig2: même patient. Aspect du fond d'oeil après le pelage de la membrane épimaculaire.
L'ablation de la membrane épirétinienne est réalisée avec une fine pince, et un crochet à membrane, après une vitrectomie centrale et postérieure (2). La membrane est retirée en une seule pièce lorsque cela est possible de façon à éviter tout reliquat membranaire pouvant être à l'origine d'une récidive. Une telle récidive est cependant rare.
La chirurgie d'une membrane épirétinienne maculaire permet d'obtenir en 3 à 6 mois une amélioration fonctionnelle significative (supérieure ou égale à un gain de 2 lignes d'acuité visuelle) dans environ 80% des cas. Ce gain d'acuité visuelle est associé à une disparition des métamorphopsies, permettant d'obtenir à nouveau une vision binoculaire et une lecture confortable. Certains patients ne seront cependant pas améliorés par la chirurgie, en particulier si la membrane a entraîné une baisse d'acuité visuelle très importante, depuis de nombreuses années.
Le trou maculaire est une déhiscence rétinienne qui survient dans la macula.
Il est le plus souvent idiopathique, survenant sur un œil sans antécédent, chez un sujet de plus de 60 ans, plus fréquemment une femme. Le trou maculaire se constitue alors progressivement en quelques semaines ou quelques mois (3, 4). La pathogénie reposerait sur des tractions du vitré, tangentielles au plan rétinien. Un trou maculaire peut aussi apparaître après une contusion sévère du globe oculaire, ou associé à une myopie forte. La constitution d'un trou maculaire s'accompagne d'une baisse d'acuité visuelle à 1 à 2/10, avec perception d'un scotome central, associé à des métamorphopsies. Le diagnostic est fait à l'examen du fond d'œil.
Fig3: Fond d'oeil: trou maculaire idiopathique.
Auparavant, cette lésion dégénérative de la rétine ne pouvait bénéficier d'aucune solution thérapeutique médicale ou chirurgicale.
Depuis 1991 (5), il existe une technique chirurgicale permettant d'obtenir une amélioration significative dans les trous maculaires idiopathiques: la vitrectomie avec pelage du cortex vitréen postérieur adhérent à la rétine lorsqu'il n'est pas décollé, et tamponnement par gaz du trou maculaire. La chirurgie doit être suivie par un positionnement postopératoire stricte face vers le sol pendant 8 à 10 jours. Ce positionnement est difficile à respecter par les patients agés, atteints d'arthrose, ou non coopérants. Il est cependant essentiel pour obtenir un tamponnement de la région maculaire par la bulle de gaz. Celle-ci se résorbe progressivement en quelques semaines.
La chirurgie permet d'obtenir une amélioration anatomique avec fermeture du trou maculaire dans 75 à 90% des cas.
Fig4: même patient. Aspect du fond d'oeil en post opératoire: disparition du trou maculaire.
Une amélioration fonctionnelle significative (amélioration de l'acuité visuelle, diminution ou disparition des métamorphopsies) est obtenue dans 50 à 70% des cas, ce d'autant que la chirurgie est réalisée dans l'année qui suit la constitution du trou maculaire (6).
L'information fournie aux patients avant l'opération est très importante : elle permet de sélectionner les patients qui vont respecter un positionnement stricte en postopératoire, et qui vont ainsi bénéficier de toutes les chances de succès possibles. Les patients qui ne peuvent pas respecter ce positionnement (mauvaise coopération, grande obésité, remaniement vertébral majeur) ne seront très certainement pas améliorés par la chirurgie et ne doivent donc probablement pas être opérés.
Outre les complications de la chirurgie maculaire, il est possible d'observer une réouverture tardive du trou maculaire, spontanément ou après chirurgie de la cataracte. Malgré cela, cette chirurgie constitue une véritable avancée thérapeutique pour des patients qui étaient auparavant récusés pour tout traitement.
La dégénérescence maculaire liée à l'âge peut se présenter sous deux formes cliniques:
une forme atrophique, pour laquelle il n'existe pas actuellement d'approche thérapeutique réellement efficace, et une forme exsudative traduisant la présence de néovaisseaux choroïdiens.
Ces néovaisseaux situés sous la rétine maculaire entrainent une baisse de la vision centrale, associée éventuellement à des métamorphopsies et des micropsies. Le diagnostic est fait à l'examen du fond d'œil.
Fig5: Fond d'oeil: néovascularisation sous rétinienne rétrofovéolaire.
Il est indispensable de réaliser une angiographie rétinienne à la fluorescéine pour préciser la localisation et l'étendue de la membrane néovasculaire. L'évolution spontanée est mauvaise, avec une extension de la membrane en quelques semaines ou quelques mois, aboutissant à une perte de la vision centrale. Le traitement habituel est la photocoagulation de la membrane néovasculaire au laser.
Ce traitement est particulièrement efficace lorsque la membrane n'est pas encore localisée sous la région centrale de la macula, la fovéa. Mais les récidives néovasculaires sont fréquentes après photocoagulation, ou la membrane peut d'emblée être localisée dans la région rétrofovéolaire, et le pronostic visuel est alors mauvais.
Deux nouvelles approches thérapeutiques ont été développées depuis ces dernières années dans le traitement des néovaisseaux choroïdiens:
Elle consiste à retirer la membrane néovasculaire sous rétinienne à travers une petite rétinotomie réalisée à côté de la région maculaire. Après une vitrectomie, cette technique utilise des instruments très fins qui permettent de travailler sous la rétine. Cette technique développée par Thomas (7) a connu des évolutions techniques, et est maintenant bien codifiée. Après ablation de la membrane néovasculaire, la cavité vitréenne est remplie d'air. Les suites opératoires consistent en un bref positionnement face vers le sol, permettant à la bulle d'air dans la cavité vitréenne de fermer la rétinotomie.
Fig6: même patient. Aspect du fond d'oeil en postopératoire: réapplication de la macula sans défect de l'épithélium pigmentaire.
Les deux difficultés qui persistent sont d'une part la fréquence des récidives, puisqu'il existe entre 30 et 40% de récidive néovasculaire, d'autre part et surtout la distinction entre les bonnes et les mauvaises indications chirurgicales. En effet, dans les dégénérescences maculaires liées à l'âge, l'ablation de la membrane néovasculaire s'accompagne fréquemment d'une ablation simultanée de l'épithélium pigmentaire sous jacent.
La rétine maculaire se réapplique alors directement sur la membrane de Bruch et la choroïde: on aboutit alors à une dégénérescence maculaire atrophique, sans aucune amélioration fonctionnelle pour le patient. La chirurgie de ces membranes néovasculaires sous rétiniennes n'a pas actuellement démontré sa supériorité dans cette indication par rapport à la photocoagulation au laser. Des études prospectives randomisées sont en cours aux Etats-Unis et nous permettront dans un proche avenir de mieux cerner les patients qui peuvent bénéficier de cette approche chirurgicale.
Les résultats de la chirurgie semblent meilleurs lorsque la membrane néovasculaire s'est développée devant l'épithélium pigmentaire. Cela est particulièrement le cas des patients jeunes présentant une néovascularisation sous-rétinienne secondaire à une choroïdite multifocale. La chirurgie permet à la rétine maculaire de se réappliquer sur l'épithélium pigmentaire, et l'amélioration fonctionnelle peut alors être appréciable.
Lorsque la membrane néoasculaire s'est compliquée d'un vaste hématome sous rétinien, l'évolution spontanée est encore plus mauvaise, avec un vaste scotome central. La chirurgie en urgence permet d'évacuer cet hématome, et de diminuer la taille du scotome final (8).
C'est également une approche thérapeutique intéressante.
La radiothérapie peut permettre de limiter le processus vaso-prolifératif, voire d'obtenir sa régression. La radiothérapie est réalisée par voie externe transcutanée, focalisée sur le pôle postérieur. Les doses habituellement utilisées sont de l'ordre de 20 gray, fractionnées en plusieurs séances (9). S'il semble exister des cas de stabilisation voire de régression des néovaisseaux après radiothérapie, il n'existe pas là non plus d'étude randomisée publiée démontrant la supériorité de la radiothérapie par rapport à l'évolution spontanée ou au laser. De telles études sont en cours et devraient être prochainement publiées. Cette approche thérapeutique présente l'avantage d'être facilement acceptée par le patient, car non douloureuse et a priori sans effet secondaire néfaste oculaire ou général.
Ces deux approches thérapeutiques constituent indiscutablement des alternatives qui doivent être mieux précisées par rapport à la photocoagulation au laser. Il doit cependant être noté que ces trois traitements ne s'adressent qu'aux dégénérescences maculaires liées à l'âge associées à des néovaisseaux sous rétiniens. La forme la plus fréquente, retrouvée sans 70 à 80% des cas, est la forme atrophique de dégénérescence maculaire liée à l'âge, pour laquelle il n'existe malheureusement encore aucune solution thérapeutique curative ou préventive connue à ce jour.
Le traitement des maculopathies a connu de considérables évolutions depuis 15 ans.
En cas de membrane épirétinienne ou de trou maculaire, la chirurgie permet habituellement d'obtenir une amélioration sensible de la vision, et constitue la seule approche thérapeutique en 1997.
En cas de membrane néovasculaire choroïdienne au cours de la dégénérescence maculaire liée à l'âge, la place de la chirurgie doit être mieux définie par des études randomisées, en la comparant à la photocoagulation au laser et à la radiothérapie.
1 - Cohen D, Gaudric A. Membranes épimaculaires. Encyclo. Med. Chir. (Paris, France) Ophtalmologie 1993, 21-245-A-40.
2 - Margheiro RR, Cox MS, Trese MT, Murphy PL, Johnson J, Minor LA. Removal of epiretinal membranes. Ophthalmology 1985, 92: 1075-1083.
3 - Gass JMD. Idiopathic senile macular hole. Its early stages and pathogenesis. Arch Ophthalmol 1988, 106: 629-639.
4 - Gass JMD. Reappraisal of biomicroscopic classification of stages of development of a macular hole. Am J Ophthalmol 1995, 119: 752-759.
5 - Kelly NE, Wendel RT. Vitreous surgery for idiopathic macular holes. Results of a pilot study. Arch Ophthalmolo 1991, 109, 654-659.
6 - Mathis A, Pagot V, Heldenbergh O, Cieski S. Trou maculaire dégénératif et menace de trou. Encyclo. Med. Chir. (Paris, France) Ophtalmologie 1995, 21-245-A-45.
7 - Thomas MA, Dickinson JD, Melberg NS, Ibanez HE, Dhaliwal RS. Visual results after surgical removal of subfoveal choroidal neovascular membranes. Ophthalmology 1994, 101: 1384-1396.
8 - Ibanez HE, Williams DF, Thomas MA. Surgical management of submacular hemorrhage. A series of 47 consecutive cases. Arch Ophthalmol 1995, 113: 62-69.
9 - Chakravatry Y, Houston RF, Archer DB. Treatment of age-related subfoveal neovascular choroidal membranes by theletherapy: a pilot study. Br J ophthalmol 1993, 77: 265-273