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Le syndrome sec est particulièrement répandu dans la population même si on a souvent coutume d'employer à tort ce terme pour désigner d'autres troubles oculaires qui ne s'y apparentent que par la symptomatologie.
On rappellera l'organisation des différentes structures responsables du bon équilibre de la surface oculaire :
les paupières balayent en permanence, par leur clignement, la surface oculaire en permettant aux larmes de s'étaler à la surface de la cornée, véritable hublot transparent ouvert vers le monde extérieur. Ces larmes, sécrétées en permanence par les glandes lacrymales sont faites en grande majorité d'eau mais pas uniquement : les lipides et le mucus sont indispensables à la bonne stabilité du film lacrymal qui s'étend donc comme une fine barrière protectrice devant la cornée, lui évitant dessèchement, infection, opacification.
Le syndrome sec correspond à une des trois propositions suivantes :
Le syndrome sec est actuellement plus fréquent en raison des conditions extérieures qui favorisent le dessèchement : climatisation, atmosphère surchauffée mais non humidifiée des habitations, pollution et surtout abus de traitement diminuant la sécrétion de larmes.
Ne pas méconnaître la sécheresse lacrymale La sécheresses lacrymale est fréquente, encore faut-il la rechercher. Les plaintes exprimées par les patients sont bien peu typiques : sensation de sable, gêne importante à la lumière, brûlures, gêne à l'ouverture des yeux le matin, démangeaisons, baisse de l'acuite visuelle.
Il est donc facile de rattacher faussement cette symptomatologie à une conjonctivite allergique ou virale.
Le traitement prolongé est alors susceptible d'entraîner une inflammation ou une intolérance conjonctivale qui finira par égarer le diagnostic. Le diagnostic se fera par la mesure de la sécrétion basale des larmes et l'analyse des signes de souffrance cellulaire.
Si la grande majorité des syndromes secs est liée à une involution sénile de la glande lacrymale, d'autres facteurs surajoutés sont susceptibles d'aggraver la situation autrefois bien équilibrée pour la faire basculer vers une atteinte mal ressentie par le patient.
En effet, la diminution de la fonction lacrymale avec l'âge est un fait bien connu mais elle est souvent aggravée par la prise prolongée de médicaments entraînant une diminution de la sécrétion lacrymale comme les antidépresseurs, les neuroleptiques, les bétabloquants.
Toutefois, certaines maladies générales s'accompagnent d'un syndrome sec invalidant. Elles donnent des formes de syndrome sec sévères et nécessitent des traitements adaptés.
Il n'y a pas de traitement idéal et les praticiens devront avant tout respecter l'adage "Primum non nocere". En effet, l'instillation chronique de collyres peut être à l'origine d'une inflammation conjonctivale source de troubles mal ressentis par le patient. On se tournera donc avant tout vers des collyres en unidoses qui ont l'avantage de dispenser le traitement avec le facteur actif mais sans conservateur.
Bien entendu, l'escalade thérapeutique dépend de la sévérité des troubles : de l'instillation de sérum physiologique à l'administration des gels, il y a tout un panel à la disposition du praticien à adapter selon les signes cliniques.
Les autres petits moyens qui consistent à améliorer l'humidification des pièces, à supprimer les produits diminuant la sécrétion de larmes sont des éléments non négligeables. Bien entendu, le traitement d'un syndrome sec évoluant dans le cadre d'une maladie générale passera avant tout par le traitement de la maladie générale.
L'augmentation du nombre de syndromes secs tient moins à leur meilleur dépistage qu'à une détérioration des conditions de vie (pollution, assèchement de l'atmosphère ...).
Les formes légères sont facilement accessibles à des traitements peu lourds.
Les formes graves restent toutefois peu sensibles aux traitements locaux, les substituts de larmes n'étant actuellement que des pis aller destinés à améliorer la symptomatologie mais absolument pas à traiter l'affection initiale.
Il s'agit d'une affection dont la fréquence semble avoir nettement augmenté depuis ces dernières années.
Toutefois, plus qu'une altération réelle du film lacrymal liée a une hypothétique cause systémique, il faut certainement plutôt y voir la responsabilité de la détérioration des conditions de vie : augmentation de la pollution, air conditionné, assèchement global de l'atmosphère par des isolations de plus en plus parfaites...
Face à cette demande accrue de traitement suppléant une sécrétion lacrymale défaillante, le praticien se trouve souvent confronté à une orientation diagnostique mais également à un problème de choix thérapeutique.
Le premier problème posé par le patient atteint de syndrome sec est celui de son diagnostic :
les questions appréciant la capacité de pleurer des patients restent déterminantes : rares sont les patients atteints de syndrome sec qui conservent encore la possibilité de pleurer en épluchant les oignons ou lors d'émotions fortes. Le classique test de Schirmer est certainement utile mais ne sera positif que dans les formes évoluées. On peut même voir un larmoiement réactionnel dans les formes débutantes.
Plus déterminants sont l'examen du Break-up time (BUT) et la prise de fluorescéine qui permettront de faire le tri entre des symptomatologies où la part subjective reste souvent majeure. L'examen par le vert de lissamine ou le rose bengale reste certainement l'un des examens clés de l'analyse de la surface oculaire.
Longtemps considéré comme une analyse du mucus et un marqueur de la vitalité cellulaire, le test au rose bengale serait en fait plutôt un marqueur de la souffrance cellulaire.
Le score de Van Bijsterveld apprécie l'intensité du marquage : il considère chaque secteur (nasal, temporal et cornéen pour lui attribuer un score de 0 a 3) et donne un score sur 9. Toutefois, même avec ces différents tests, le diagnostic de syndrome sec repose souvent sur une présomption, somme de plusieurs éléments.
En effet, il n'existe pas réellement de test pathognomonique du syndrome sec. Dans certains cas, l'empreinte conjonctivale peut avoir un certain interêt. Cette analyse des couches superficielles conjonctivales permet d'objectiver l'intensité de la souffrance cellulaire épithéliale et la diminution du nombre de cellules à mucus.
La chromatine des cellules épithéliales prend en effet un aspect assez particulier appelé "Snake like cells".Toutefois, là encore, le test de l'empreinte ne pourra que s'intégrer dans un contexte clinique, aucun signe n'étant pathognomonique.
L'ophtalmologiste se trouve alors confronté à un patient ayant une sécrétion lacrymale défaillante et des signes oculaires de souffrance cellulaire. Les formes cliniques de syndromes secs sont extrêmement variées : il est certain qu'entre une discrète sensation subjective de sécheresse et les signes objectifs de souffrance cellulaire , il y a une grande variété où l'acharnement pour trouver une cause systémique n'a pas toujours sa place.
Là encore, l'interrogatoire devra primer : l'absence de prise de sédatifs au long cours ou d'anxiolytiques, la notion de bouche sèche associée ou des douleurs articulaires ou tout autre point d'appel systémique fera rechercher une maladie de système.
Nombreuses sont les pathologies, en dehors de la polyarthrite rhumatoide, qui associent un syndrome sec à une maladie générale (hépatite C, cirrhose biliaire primitive, sarcoïdose...)
Le problème final est bien sûr celui de la prise en charge souvent délicate de tels patients.
L'humidification de l'atmosphère, la suppression des traitements asséchants restent bien sûr d'actualité. Toutefois, le soulagement des patients n'est souvent que partiel. C'est probablement lié au nombre important d'intolérance liée à l'instillation chronique de collyres, à la difficulté d'apprécier objectivement le ressenti du patient et enfin au caractère très imparfait des substituants lacrymaux.
Actuellement, il n'existe pas en France de collyres permettant d'observer une augmentation du nombre de cellules à mucus ou de leur sécrétion ce qui serait bien entendu la réponse idéale à la déficience lacrymale.
Les moyens que sont les larmes artificielles (les unidoses restant privilégiées), les gels, les clous méatiques sont des méthodes permettant d'humidifier la cornée de façon plus ou moins prolongée mais sans effet réel sur le problème initial. Il ne faut enfin pas négliger le traitement systémique qui pourra dans certains cas faire disparaître complètement la symptomatologie d'oeil sec (dans la sarcoïdose par exemple).
Le syndrome sec atteint un nombre croissant de patients.
Le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments qui permettront d'orienter ou pas le patient auprès du médecin interniste. Le problème posé reste actuellement celui d'un traitement plus radical de la déficience lacrymale.