Le site des ophtalmologistes de France
Sainte Lucie offrant ses yeux (National Gallery of Art)
Nous remercions beaucoup le Pr Arné Hôpital Toulouse-Purpan France qui nous a fourni les excellents clichés d'illustration.
La greffe de cornée consiste à remplacer une cornée malade par un cornée saine d'un donneur décédé. Cette technique de chirurgie ophtalmologique est tout à fait au point et est pratiquée dans de nombreuses cliniques et hôpitaux en France.
Les greffes de cornées (kératoplasties transfixiantes) permettent à de nombreux patients de retrouver une bonne vision alors qu'ils étaient porteurs d'une opacité de la cornée qui les rendaient, sinon aveugles, du moins malvoyants. On arrive à plus de 85% de succès. Mais ces résultats sont fonctions des maladies oculaires qui ont entraîné la greffe.
De nombreux contrôles sont réalisés pour être sûr de la bonne qualité du greffon et de son inocuité vis à vis du receveur.
Ces dernières années on a assisté à une diminution de la disponibilité des greffons cornéens car les familles refusaient beaucoup de laisser prélever les cornées. Pourtant, qui ne serait pas enthousiasmé de retrouver la vision grâce à un don de cornée ? L'association Fédération des Associations pour le Don d'Organes et de Tissus Humains ADOT permet de diffuser l'information et les témoignages de patients greffés.
Il faut savoir que les contrôles des cornées prélevées entraînent la mise à l'écart d'un certain nombre de greffons qui ne conviennent pas. Ainsi on considère qu'il n'y a que 60 à 70% des greffons prélevés qui sont greffés. En France on a besoin de 8000 cornées pour couvrir les besoins de la population. Aux USA on a dénombré 35861 greffes en 1998.
Comme un déficit de donneurs subsiste, nous sommes obligés d'importer des cornées des Etats-Unis qui est le premier exportateur mondial. Pour éviter cela, il faudrait prélever chaque année environ 1600 cornées supplémentaires.
Le prix d'une cornée est de 5760 FF (Tarif Interministériel des Prestations Sanitaires), soit environ 1000$. Le coût d'une cornée américaine est de 1200 $.
La loi du 18 janvier 1994 stipule :
Art. 56: Création d'un Etablissement Public National dénommé " Etablissement Français des Greffes ".
Art. 56. - I. - Peuvent seules bénéficier d'une greffe d'organes, de moelle, de cornée ou d'autres tissus dont la liste est fixée par arrêté après avis de l'établissement public, les personnes, quel que soit leur lieu de résidence, qui sont inscrites sur une liste nationale.
II. - Il est créé un établissement public national, dénommé Etablissement français des greffes, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé.
L'Etablissement français des greffes est chargé de l'enregistrement de l'inscription des patients sur la liste définie au paragraphe I du présent article, de la gestion de celle-ci et de l'attribution des greffons, qu'ils aient été prélevés en France ou hors du territoire national.
L'Etablissement français des greffes est, en outre, notamment chargé :
L'Etablissement français des greffes est soumis à un régime administratif, budgétaire, financier et comptable, et à un contrôle de l'Etat, adaptés à la nature particulière de ses missions et déterminés par voie réglementaire. Il peut recruter des personnels contractuels, de droit public ou privé. Il peut conclure avec ces agents des contrats à durée indéterminée.
L'établissement est doté d'un conseil médical et scientifique. Ce conseil est consulté par le directeur pour toutes les missions et avis de nature médicale et scientifique confiés à l'établissement. Sa composition et les modalités de nomination de ses membres sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'Arrêté du 27 février 1998 impose :
L'Arrêté du 7/12/1999 précise "Tout malade dont l'état de santé nécessite une greffe de cornée est défini comme un receveur potentiel. Son inscription sur la liste nationale des patients en attente de greffe de cornée est un préalable nécessaire à l'attribution d'un greffon cornéen."
L'inscription est faite par l'équipe médico-chirurgicale portant l'indication de greffe. L'équipe adresse à l'EFG une fiche d'enregistrement. Après examen de cette fiche, l'EFG confirme l'inscription au patient et à l'équipe de greffe. Après confirmation de l'inscription, l'équipe de greffe adresse à une banque de tissus autorisée, une demande de greffon. Il y aura une prescription nominative.
Une attribution prioritaire de greffon sera faite en cas d'indication urgente (perforation avérée ou imminente de la cornée), faible probabilité d'obtention d'un greffon.
On trouve comme étiologies principales :
Comme les techniques opératoires ont beaucoup progressé et que les dystrophies post-cataracte deviennent rares, il est probable que la répartition des indications va se modifier dans l'avenir
Il s'agit d'un moment important pour la greffe de cornée.
Le cadre des lois de Bioéthique permet de bien décrire la démarche des médecins. Le Registre National des Refus (RNR) enregistre depuis le 15 septembre 1998 toutes les personnes qui refusent que l'on prélève les cornées à leur mort. Si la personne décédée n'est pas inscrite sur ce registre, l'équipe médicale doit s'enquérir auprès de la famille des volontées du décédé; il est certain qu'on recueille ainsi l'opinion de la famille si la personne ne s'est pas prononcé sur ce sujet.
Cette rencontre avec la famille est faite dans un endroit calme qui permet la réflexion. Le dialogue pourra éclaircir le problème et permettra aux médecins de s'engager dans le prélèvement des cornées. En cas de refus de la famille, aucun prélèvement ne sera réalisé.
Le prélèvement pourra se faire suivant deux techniques, soit le prélèvement du globe entier, soit celui d'une collerette cornéo-sclérale. Le prélèvement du globe sera fait avec accord de la famille et permettra une meilleure qualité de prélèvement et un greffon en meilleur état. Le prélèvement d'une simple collerette est plus difficile, on utilisera souvent la trépanation pour recueillir la cornée.
L'acte se termine par le rétablissement d'un aspect esthétique de la face; on ne se rendra alors pas compte qu'un prélèvement a été effectué, et les familles seront rassurées.
La sécurité s'accompagne d'une étude sanguine du décédé pour chercher toute infection ou anomalie qui contre-indiquerait l'utilisation du greffon (hépatite, sida, encéphalite...)
Ce prélèvement sera obligatoirement fait avant la 48ème heure, mais on préfèrera le faire dans les 12 heures.
Ainsi les lois de bioéthique imposent le respect du corps humain, la gratuité du don, l'anonymat donneur-receveur avec cependant traçabilité, le consentement préalable et présumé du donneur, la sécurité sanitaire.
Il y a deux techniques qui permettent de conserver les greffons.
Ce n'est qu'aux termes d'une procédure très stricte qu'on pourra utiliser la cornée prélevée. Ceci explique que l'on ne greffe que 60% des cornées prélevées.
Le matériel nécessaire est un trépan qui va permettre de trépaner la cornée malade du patient receveur, pour pouvoir y mettre à la place la cornée du donneur.
L'intervention, généralement sous anesthésie générale, consiste donc à enlever la cornée malade et à la remplacer par la cornée du donneur. S'il y a une cataracte importante, il est parfois possible de l'enlever dans le même temps opératoire. Seul l'examen de l'oeil permet de dire si cela est réalisable. D'autres chirurgies endoculaires sont possibles, vitrectomies, changement de l'implant, traitement d'un glaucome. Ces gestes opératoires sont alors faits 'à ciel ouvert'. |
Trépanation de la cornée receveuse |
La suture de la cornée greffée est un travail long et minutieux qui doit permettre un bon affrontement des bords de la cornée réceptrice avec le greffon. Il ne doit pas y avoir de différence de niveau. On peut réaliser une suture par surjet ou par points séparés. L'intérêt des points séparés est de pouvoir les enlever progressivement plus tard, et ainsi mieux réduire l'astigmatisme. L'hospitalisation va durer entre 5 et 8 jours. |
Aspect des points séparés en fin d'intervention |
Corticoïdes
C'est le traitement primordial qui suit la chirurgie. Seul l'ophtalmologiste peut dire qu'elle est la posologie à suivre et les médicaments à instiller. Le patient ne doit pas modifier du tout le traitement, car cela risquerait d'entraîner des complications et principalement un rejet. On utilise habituellement de la dexaméthasone (Maxidrol ©, Chibrocadron©) pendant longtemps, de six mois à deux ans. La posologie du médicament sera modifiée et on diminuera progressivement les doses.
Des effets secondaires sévères peuvent survenir à cause de ces médicaments, que ce soit un glaucome par augmentation de la pression intra-oculaire, une cataracte ou même un herpès oculaire. La surveillance ophtalmologique doit donc être rigoureuse et toute anomalie signalée rapidement au médecin (douleur, baisse de la vision, céphalées).
Ciclosporine
Cette molécule sous la forme de collyre peut être utilisée en association avec les corticoïdes. Son indication est fonction de l'état de l'oeil.
On peut l'utiliser par voie orale pour compléter l'action des autres médicaments; ce traitement nécessite une surveillance rigoureuse de la fonction rénale et de différents éléments (tension artérielle, fonction hépatique). Cet immunosuppresseur n'est utilisé que par les médecins habitués à gérer les problèmes de risque de rejet. le dictionnaire Vidal des médicaments décrit vingt classes de médicaments avec lesquels la ciclosporine peut donner des interactions médicamenteuses.
Antiherpétiques
En cas de kératite herpétique on prescrira de l'aciclovir (Zovirax©) pour éviter une récidive.
L'activité du patient sera réduite pendant les premières semaines car la cicatrisation doit s'effectuer avant d'envisager une activité normale. Il y a une une période d'observation de plusieurs mois qui va s'accompagner d'une diminution progessive des collyres instillés dans l'oeil opéré. Certains sports seront interdits définitivement à cause du risque élevé de traumatisme (boxe, karaté par exemple). Petit à petit les contrôles s'espaceront et le patient ne sera revu qu'une fois par an si tout va bien.
Si une opération sur le deuxième oeil est prévu (comme pour le kératocône par exemple), le patient déjà inscrit sur la liste des greffes devra attendre quelques mois pour être greffé.
Parfois des complications surviennent, peu graves comme une hypertonie transitoire, ou plus graves comme un rejet de la greffe de cornée.
Définition
C'est la principale complication de la greffe de cornée. Il s'agit d'une réaction immunitaire de l'hôte qui va essayer de combattre le greffon qu'on vient de placer, en mobilisant ses lymphocytes T. Ces cellules vont s'attaquer aux cellules du donneur, grâce à des substances (cytokines: interféron gamma et interleukine 2). On assiste alors à une destruction des cellules endothéliales de la cornée, ce qui va entraîner un oedème et une opacification du greffon. Ce phénomène d'oedème apparaît dès qu'il y a moins de 500 cellules/mm2.
La fréquence des rejets dépend du niveau de néovascularisation de la cornée réceptrice. Si ce niveau est nul on a moins de 10% de rejet, mais si le niveau est important on a plus de 50% de rejets.
Les signes d'un rejet de la greffe
Le patient doit les connaître et consulter son ophtalmologiste en urgence. C'est principalement:
L'ophtalmologiste qui va examiner ce patient sera à la recherche de signes particuliers pouvant évoquer un rejet de greffe. Il s'attachera à mettre en évidence quatre type de rejets qui sont :
Le traitement
Il consistera en une corticothérapie locale à forte doses (une instillation de collyre toutes les heures) et s'accompagnera parfois d'un traitement par voie générale. Cette corticothérapie importante sera faite avec précautions à cause de tous les effets secondaires induits.
Au fil des mois on serra amené à enlever les points désserrés source d'inflammation et d'irritation. On enlèvera aussi les points trop serrés qui entraînent un astigmatisme gênant la vision. L'ablation des points est délicate et sera guidée par la topographie cornéenne qui donnera une bonne idée de la surface oculaire. Si l'astigmatisme est léger on s'abstiendra de toucher les points.
Points séparés |
Surjet cornéen |
La greffe de cornée est une chirurgie bien codifiée qui donne de bons résultats et une acuité visuelle supérieure à 5/10ème chez 50 à 70% des patients ayant un greffon clair. La meilleure gestion des médicaments post-opératoires et la plus grande qualité des greffons doit permettre une amélioration progressive des acuités finales.
Une autre voie de recherche est la réalisation de cornées synthétiques, mélange d'un substrat synthétique et de cellules humaines.
Nous espérons tout de même que le nombre de personnes qui agiront comme Sainte Lucie en offrant leurs yeux, permettra de redonner espoir à ceux qui ne voient plus.