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Nous remercions beaucoup les Dr Muriel Cornet et Jean-Louis Bourges (Hôtel-Dieu Paris) pour les excellentes images qu'il nous ont permis d'utiliser et pour leur aide à la réalisation de ce chapitre.
Perforation de la cornée secondaire à une kératite amibienne dramatique
Les kératites amibiennes représentent des pathologies assez rares mais souvent graves et difficiles à traiter. Elles pourraient être évitées par un comportement plus rigoureux des porteurs de lentilles.
Les amibes sont des parasites de type protozoaire du genre acanthamoeba qui se développent dans les environnements telluriques et aqueux. Il existe plusieurs espèces dont certaines sont particulièrement pathogènes pour l’homme.
Par exemple :
Ces amibes sont présentes dans toutes les eaux douces non parfaitement stériles, en particulier l’eau du robinet, les eaux minérales, l’eau de piscine, etc.
Elles peuvent être extrêmement résistantes dans leur forme enkystée et survivre très longtemps en condition hostile, pour se réactiver à la faveur d’un milieu plus favorable.
Les amibes sont responsables d’abcès de cornée.
Typiquement, l’abcès est extrêmement douloureux, central, avec la présence fréquente d’un appel vasculaire limbique.
Les signes évocateurs sont :
Malheureusement, ces signes sont fréquemment absents et l’abcès amibien mime souvent d’autres types d’abcès, faisant errer le diagnostic étiologique tandis que l’infestation cornéenne augmente. On peut avoir des aspects pseudo-dendritiques qui font croire à une kératite herpétique, ce qui va retarder le diagnostic.
"Toute kératite dendritique survenant chez un porteur de lentille de contact doit être considérée comme une kératite amibienne jusqu’à preuve du contraire."
Anneau cornéen correspondant à la réaction immunitaire
Le traitement d'une amibiase est lourd et contraignant. Il est donc utile d'établir un diagnostic de certitude ou de très haute probabilité. Plusieurs méthodes peuvent être employées:
l'examen direct et la mise en culture:
Cela concerne les prélèvements cornéens, les lentilles, leur boîtier et leur liquide de conservation. Les prélèvements cornéens doivent être d'autant plus profonds que l'infestation est avancée (prélèvement épithélial au stade dendritique, biopsie cornéenne dans les kératites stromales), à la lisière périphérique de la zone de nécrose centrale, d'au moins un mm. Leur examen parasitologique nécessite un praticien entraîné et, bien que d'une sensibilité moyenne, leur positivité est hautement spécifique. Les amibes sont mises en évidence par les colorations de Giemsa ou de Wright. La mise en culture en conditions spécifiques, sur gélose enrichie, est plus sensible mais de lecture différée à 2 semaines, prolongeant le traitement d'épreuve.
la Polymerase Chain Reaction (PCR):
Cette technique amplifie des séquences spécifique du génome amibien. Elle est très sensible et de bonne spécificité.
la microscopie confocale in vivo:
Elle permet la visualisation direct des trophozoïtes et du réseau nerveux cornéen, ainsi que le suivi de l'infestation. Cet examen n'est pas traumatique mais sa réalisation est parfois rendue difficile dans un contexte de douleur intense et de blépharospasme.
la microscopie spéculaire:
Elle peut parfois permettre de visualiser des kystes amibiens qui ont un reflet spéculaire incident différent de leur milieu environnant, les rendant souvent hyperréflectifs.
l'imagerie HRT:
Bien que non encore couramment disponible, elle permettrait de visualiser les kystes et les trophozoïtes amibiens avec une acuité supérieure à la microscopie confocale classique.
Evolution défavorable au bout de deux ans d'une kératite stromale amibienne traitée
L'évolution peut se faire
Kystes amibiens en microscopie
Cliché Dr Muriel Cornet Hôtel-Dieu Paris
Les amibes font partie du règne des protistes, de l'embranchement des rhizopodes, du groupe des amoebozoa, de l'ordre des euamoebida et du genre amoeba.
Il existe au moins huit espèces capables de provoquer une kératite: Acanthamoeba castellani, Acanthamoeba griffini, Acanthamoeba polyphaga, Acanthamoeba hatchetti, Acanthamoeba culbertsoni, Acanthamoeba rhisodes, Acanthamoeba lugdonesis et Acanthamoeba quina.
Ces protozoaires se caractérisent par l'existence de deux états, qu'on peut trouver dans la cornée:
L'état trophozoïte qui correspond à une amibe qui peut se déplacer grâce à des pseudopodes, se diviser de façon asexuée et se nourrir. Elle pénètre la cornée en s'infiltrant entre les cellules, les détruit et progresse vers la profondeur du stroma.
L'état de kyste amibien, qui survient quand le milieu n'est plus favorable pour l'amibe. Ces kystes sont extrêmement résistants et peuvent persister pendant des mois dans les tissus ou un environnement hostile. Cette forme quiescente ne se nourrit pas, ne bouge pas, et se retrouve de façon habituelle dans l'eau du robinet. Elle résiste beaucoup, au chlore et aux désinfectants habituels.
La cause principale de ces kératites amibiennes est une infection de la cornée à cause du port de lentilles cornéennes infectées.
Il est donc important de suivre des principes importants pour éviter ces soucis:
Le traitement doit être maximal d’emblée, long, expliqué, surveillé, et associer au moins deux principes actifs de nature différente.
Exemple de traitement de kératite stromale amibienne:
Débridement, dilatation, occlusion, antalgiques et antidépresseurs.
agents cathioniques | diamidines aromatiques | autres |
chlorexidine | brolène | amino-glycosides |
PHMB | hexamidine | imidazolés (kétoconazole PVO) |
Exemple de fréquence:
J0-J3
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J4-J8
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J8-M3
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M3-M6
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M6-M12
|
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Jour
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Horaire
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toutes les 2 heures
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8 fois par jour
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3 fois par jour
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Arrêt progressif
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Nuit
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Horaire
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toutes les 4 heures
|
Evolution favorable au bout de 10 mois de traitement d'une kératite stromale amibienne
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