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Avant d'étudier dans le détail les connaissances oculaires des égyptiens, il nous semble nécessaire de situer rapidement l'état de leur médecine, ainsi que quelques légendes.
Dès l'antiquité classique la réputation de la médecine égyptienne était bien établie. HOMERE dans l'Odyssée écrivait"En Egypte, les médecins l'emportent en habileté sur les autres hommes".
HÉRODOTE, dans ses "Histoires" rédigea en 450 avant JC un témoignage sur la médecine égyptienne :"En Egypte, chaque médecin ne soigne qu'une maladie. Aussi sont-ils légions ; il y en a pour les yeux, d'autres pour la tête, les dents, le ventre et même pour les maladies non localisées".
Peut-être à cause du climat, peut-être à cause de l'hygiène, moins rudimentaire que chez les autres peuples, HÉRODOTE constatait dans ses écrits que la population égyptienne était la mieux portante qu'il eut jamais vue.
Les oculistes jouissaient d'une très grande réputation, même hors des frontières de l'Egypte. La preuve nous en est fournie par la démarche faite par CYRUS, roi des Perses, auprès d'AMAZIS, roi d'Egypte. HÉRODOTE, encore, nous raconte en effet que CYRUS demanda à AMAZIS de lui envoyer le médecin oculiste le plus habile de son royaume (9), (32), (38).
Dans l'ancienne égypte, jalouse gardienne de la tradition, les médecins étaient prêtres, comme les prophètes, les hiérogrammates et les astrologues. Ils occupaient une place très importante dans la hiérarchie ecclésiastique. La pratique médicale se transmettait du père au fils, qui le remplaçait après sa mort, dans ses fonctions.
Il n'existait pas à proprement parler d'écoles de médecine, mais dans certains établissements, appelés "maisons de vie" le jeune praticien pouvait compléter l'enseignement paternel par la fréquentation de savants médecins, de directeurs d'ateliers, où des scribes s'affairaient à composer ou à recopier des écrits consacrés à la médecine. De ces ateliers sortiront les papyrus médicaux.
Un document qui remonte à la Basse Epoque apporte des précisions sur l'origine, le développement et l'enseignement de la médecine égyptienne. Vers 500 av. J.C., après que DARIUS 1er eut annexé l'Egypte à l'empire perse, le médecin chef UZAHOR-RESINET relate " Sa Majesté le Roi Darius qui règne en Elam sur tous les pays et sur l'Egypte m'a envoyé à Sajs.Il m'a chargé de réorganiser les maisons de la vie qui étaient tombées en décadence. Je les ai emplies d'étudiants appartenant aux milieux riches et cultivés (...). (38).
Cependant deux villes étaient des pôles d'attraction : HELIOPOLIS connue pour être le siège de la plus fameuse faculté de médecine du pays et THEBES où l'on pratiquait la chirurgie.
Comme les médecins de MOLIERE, les médecins égyptiens s'attachaient aveuglement aux opinions de leurs anciens, sûrement par vénération excessive du passé.
Diodore de Cicile écrivait à leurs propos :
"Ils établissent le traitement des malades d'après des préceptes écrits, rigides et transmis par un grand nombre d'anciens médecins célèbres. Si, en suivant les préceptes du livre sacré, ils ne parviennent pas à sauver le malade, ils sont déclarés innoncents et exempts de tout reproche. Si ils agissent contrairement aux préceptes écrits, ils peuvent être accusés et condamnés à mort ; le législateur ayant pensé que peu de gens trouveraient une méthode curative meilleure que celle observée depuis si longtemps et établie par les meilleurs hommes de l'art."
Dès le III ème millénaire avant J.C. (1ère dynastie MENES), des textes mentionnent les soins donnés aux yeux, mêlés de pratiques magiques. THOT , à tête d'ibis, dieu de la science et de la médecine est l'ancêtre des ophtalmologistes, puisque d'après la mythologie il aurait remis en place l'oeil d'HORUS arraché lors de son combat contre SETH, dieu du Mal, et déclare "Je suis THOT, le médecin de l'œil d'HORUS". (9)
L'oeil d'H0RUS entier, (celui-ci étant souvent représenté par un homme à tête de faucon) - appelé OUDJAT (oeil sain) combine l'oeil humain : iris, pupille, sourcil, avec les marques colorées qui encadrent l'oeil d'un faucon. L'oeil d'Horus éclaté symbolise des fractions mathématiques destinées à compter les céréales : 1/2, l/4,...l/64.
Prises à part, chacune des parties de cet oeil magique désigne donc des fractions, retrouvées isolées dans de nombreux papyrus.
Ce symbole par exemple équivalait à 1/2 etc... Or le total de ces fractions donne 63/64 et l'on suppose que le 1/64 manquant pour parfaire l'unité fut fourni magiquement par THOT, lorsqu'il réussit à retrouver et à rassembler l'oeil arraché pour le rendre à son propriétaire (37).
Un autre dieu AMON est appelé "Le médecin qui guérit l'œil sans médicament, qui ouvre les yeux et les redresse ".
Diodore de Sicile mentionne le pouvoir thérapeutique de la déesse Isis qui guérissait les aveugles (39).
Enfin l'histoire suivante, qui met en scène plusieurs divinités du panthéon égyptien pourrait tout aussi bien se passer dans le cabinet de consultation d'un ophtalmologiste contemporain:
"Le .dieu RA vérifie l'acuité visuelle du dieu HORUS. RA place HORUS blessé à l'oeil, devant un mur couvert d'un enduit clair, sur lequel sont peints un petit trait noir et un gros porc de la même couleur. HORUS ferme son oeil sain, RA l'invite à regarder le trait et lui demande s'il le voit. HORUS ne le voyant pas, RA dirige alors son regard vers le porc. HORUS l'aperçoit et RA en conclut qu'il a conservé une vision suffisante ". (38)
Désigné sous le nom d' Oudjat, l'oeil était considéré comme porte-bonheur et figurait sur de très nombreuses peintures ou amulettes à titre prophylactique ; il symbolisait l'invulnérabilité et la fertilité.
IMHOTEP, que les médecins de l'école alexandrine confondaient avec Esculape et que les Egyptiens avaient déifié, comme dieu de la médecine, fut un personnage réel, qui vécut au début de la III ème dynastie sous le pharaon ZOSER. C'était un architecte génial et un médecin de premier plan, car les livres de médecine dont se servaient les anciens égyptiens lui sont attribués (9), (38).
IMHOTEP signifie "qui donne satisfaction" ou bien "celui qui vient en paix".
En 1921 Sir W. OSLER, l'un des pionniers de la médecine anglo-américaine s'intéressa à ce personnage et écrivit " il était la première figure de médecin sortant des brumes de la protohistoire "(34).
Nous connaissons l'ophtalmologie égyptienne grâce à diverses sources : les auteurs anciens, les monuments avec leurs peintures et bas-reliefs, les objets découverts dans les tombes, les momies, mais surtout grâce aux papyrus médicaux.
Des fouilles pratiquées, en 1926, par l'allemand H.JUNKER (38) dans les nécropoles qui entourent les pyramides de GIZEH ont mis à jour des monuments funéraires mentionnant des oculistes. Il s'agit d'une part d'une statue funéraire d'un médecin oculiste de la cour du pharaon de la VIè dynastie d'autre part d'une stèle funéraire, datant de la même période, sous PEPI 1er. Cette stèle est en forme de porte et un homme y est représenté tantôt assis, tantôt marchant. On y trouve cette inscription dédicatoire :"PEPJ-ANKH-JRJ, directeur et doyen des médecins royaux, ophtalmologiste royal, directeur des maladies intestinales, chef des magiciens et savants" (9) (39).
Autre traduction :"Médecin des yeux du palais; médecin du corps; gardien de l'orifice intestinal, royal; celui qui prépare le bon; celui qui maîtrise les scorpions" (34).
On connait par cette inscription le nom du plus ancien ophtalmologiste qui exerçait il y a 4600 ans environ et cette stèle confirme les dires d'HERODOTE concernant la spécialisation médicale depuis les époques les plus reculées.
D'après Flavius CLEMENS, qui en 200 de notre ère fonda une secte chrétienne à Alexandrie, les prêtres égyptiens auraient condensé au début de l'Ancien Empire, dans quarante deux livres, la somme des connaissances médicales; et six livres contenaient ce qu'on savait en matière d'anatomie, de physiologie, de pharmacopée, de chirurgie et de gynécologie. D'autres auteurs confirment que les égyptiens auraient résumé leur science dans six livres sacrés, appelés les livres d'Hermès, connus de Galien et perdus depuis (32).
Les plus anciens papyrus médicaux qui nous sont parvenus remontent au Moyen Empire, mais ce sont presque tous des copies de livres beaucoup plus anciens, qui nous donnent l'état de la médecine sous l'Ancien Empire. L'en-tête de plusieurs papyrus les attribuent à une époque beaucoup plus reculée et presque légendaire, contemporaire d'Imhotep, ou même fabuleuse le dieu TH0T en aurait dicté le texte.
Tous ces papyrus médicaux sont écrits en hiératique (du grec hiératicos sacerdotal, hiéros=sacré), et nous allons les énumérer par leur ordre d'ancienneté.
I) les papyrus de KAHUN (28) :
ils datent de la XIIè dynastie. Reproduisant des traités plus anciens, ils contiennent en particulier, un traité de gynécologie dont la première observation traite d'une affection oculaire en rapport avec une affection gynécologique (cf citation plus loin).
II) Le papyrus d'EDWIN-SMITH : trouvé à Thèbes en 1862
Il est conservé à la bibliothèque historique de New-York. Traduit par BREASTED, qui l'a publié en 1930 (3). On y trouve mentionné des symptomes ou des complications oculaires de traumatismes craniens. Sa rédaction parait dater de l'Ancien Empire et sa copie a été écrite à la fin XII dynastie (1780 av. J.C.). Il est remarquable par son absence de toute magie ; seuls les faits et les conséquences sont notés.
III) Le papyrus EBERS (12) (13) : acheté à Louqsor, 1'ancienne Thèbes, par l'allemand Georg Ebers en 1873, à un Arabe qui l'aurait trouvé en 1862 entre les jambes d'une momie parfaitement conservée (38). Il a été traduit et publié en 1874 par cet égyptologue ; il est actuellement conservé à la bibliothèque universitaire de Leipzig. Il est intitulé "Ici commence le livre relatif à la préparation des médicaments pour toutes les parties du corps".
Il ne contient que peu de renseignements cliniques, car seul le nom de la maladie est mentionné, suivi de la prescription thérapeutique ou magique. A la fin du manuscrit se trouvent deux petits traités de style ancien consacrés à l'anatomie et à la physiologie de l'appareil circulatoire. Le papyrus date du début de la XVIIIè dynastie (1500 av.J.C.). Mais il n'est que la copie de documents beaucoup plus anciens. En tête d'un des chapitres on lit qu'il a été trouvé sous les pieds du Dieu ANUBIS à Sekken et apporté à sa Majesté le roi HOUSAPHAIT (Ière dynastie).
Les médecins voulaient ainsi appuyer leur science sur l'autorité divine.
IV) Le papyrus de LONDRES (41)
Il date de la XXème dynastie (vers 1100 av. j.C.) et contient surtout des formules magiques dont plusieurs sont destinées à aider l'efficacité de médications oculaires.
V) Le Papyrus Copte de CHASSINAT
C'est le dernier papyrus médical connu, traduit en 1921 par Chassinat (6); il a été écrit au IXè siècle après J.C.. Ce document relativement récent reproduit des prescriptions s'appliquant aux affections oculaires datant de l'Ancien Empire,transmises de générations en générations sans changement. Il est précieux pour comprendre certains passages difficiles des papyrus médicaux classiques.
Nous voyons ici que c'est seulement vers 1875 que les égyptologues purent se rendre compte directement de ce qu'était la médecine égyptienne, grâce aux traductions et publications des papyrus médicaux.
Les Egyptiens avaient pris conscience de l'existence du coeur et de sa fonction qui consistait à irriguer toutes les parties du corps et du rôle que jouaient les "vaisseaux et les canaux" qui, partant du coeur, aboutissaient aux membres et aux organes. C'est sur cette connaissance confirmée par l'expérience qu'ils édifièrent leur physiologie, autrement dit la science des fonctions de la vie.
Influencés par la ressemblance entre le sytème sanguin et le Nil, artère vitale d'où divergeaient des canaux qui répartissaient l'eau nécessaire à l'irrigation des champs et des cultures, les prêtres et les médecins égyptiens imaginèrent, comme principe de leur physiologie, un réseau analogue d'artères et de vaisseaux. Partant du coeur les "metu" (canaux) irriguaient toutes les parties de l'organisme.
De même que l'absence de crue, une inondation trop abondante ou trop faible du Nil, ou le colmatage des canaux d'irrigation compromettaient l'existence de l'Egypte, de même le mauvais fonctionnement des "canaux" mettait en danger le coprs humain dont l'équilibre physiologique était, de ce fait, perturbé.
Les dépôts de sang et de mucus étaient cause de maladie ainsi que les accumulations d'excréments qui risquaient, par l'intermédiaire de canaux, de refluer vers les membres et même de remonter jusqu'au coeur. Les "metu" assuraient aussi l'acheminenent des "vehedu", éléments pathogènes et facteurs de douleurs qui étaient la cause de fièvres malignes et des inflammations.
Ils s'introduisaient dans l'organisme en se glissant par le nez et par les oreilles. Nous verrons un exemple pratique de ces communications dans le chapitre des thérapeutiques médicales.
Nous trouvons dans le papyrus Ebers la description suivante du système circulatoire dont un passage concerne la circulation de l'oeil.
"Commencement du secret du médecin; connaissance de la marche du coeur (physiologie) et connaissance du coeur (anatomie). Il y a dans le coeur des vaisseaux de tous les membres: tout médecin, tout exorciseur, tout charmeur qui met le doigt sur la tête, la nuque, les mains, sur la région du coeur, sur les deux bras, sur les jambes, il tombe sur le coeur car les vaisseaux du coeur sont de tous les membres ... (la relation des pulsations des artères avec les battements cardiaques est nettement établie par ce passage).
"Il y a quatre vaisseaux dans l'intérieur des tempes (intracrâniens) qui fournissent le sang aux deux yeux, et ensuite fournissent toutes les humeurs des deux yeux, celles qui lubrifient les deux yeux (littéralement celles qui sont d'ouvrir les deux yeux); s'il découle des larmes des deux yeux, c'est la prunelle des deux yeux qui les donne (autre traduction, ce sont les ronds, c'est à dire la cornée et l'iris, qui font cela) ....Les orifices qu'il y a dans le nez sont deux vaisseaux qui conduisent à la cavité de l'oeil". Ebers numéro 854.
Dans une autre partie du papyrus Ebers on trouve une description de la circulation oculaire assez voisine:
"L'homme, il y a en lui 12 vaisseaux de son coeur qui vont à tous ses membres ...Si son cou souffre et que les deux yeux se voilent, ceux-là ce sont les vaisseaux du cou qui ont pris la maladie ...Il y a deux vaisseaux en lui pour le front, il y a deux vaisseaux pour l'oeil, il y a deux vaisseaux pour les sourcils."
On voit par ces textes que la circulation du globe et des annexes était relativement bien connue et que les Egyptiens établissaient une relation entre des troubles circulatoires et des troubles visuels.
Quant à l'origine des larmes, les glandes n'étant pas connues, leur sécrétion était attribuée à la pupille et à l'iris.
Enfin, on peut remarquer qu'ilsconnaissaient les rapports entre les cavités nasales et l'orbite.
Les Egyptiens connaissaient la prunelle, la sclérotique, et, bien entendu, les paupières, les cils, les sourcils ; ils ignoraient presque tout de la structure interne de l'oeil ; ils n ont soupçonné semble-t-il l'existence ni du corps vitré, ni de la rétine et du nerf optique.
Et pourtant, ils ont soigné un certain nombre de maladies que, malgré la rareté des termes anatomiques, l'absence de tout diagnostic, on arrive à identifier avec plus ou moins de sureté.
Le blanc de l'oeil était appelé sclérotique ; l'iris était observé et certains textes indiquent que cet examen permettait de découvrir le sexe du foetus.
Les paupières sont appelées le "dos de l'oeil".
La pupille était nommée "hoot amt irit" qui se traduit par "la jeune fille (qui) est dans l'oeil" et qui correspond au mot pupille, dérivé de pupilla (poupée), et du grec XOPE (jeune fille). Peut-être ce fait est dû à l'image des personnes se reflétant sur la cornée au niveau du fond noir de la pupille (10).
Dans la plupart des cas les Egyptiens ne considéraient que le symptôme.
L'atteinte oculaire constituait une maladie distincte sans relation avec les affections générales et l'on ne s'occupait que de la thérapeutique symptomatique.
C'est dans les textes de papyrus les plus anciens (kahoum, smith) que nous trouvons des descriptions d'affections oculaires, soit rattachées à des maladies générales, soit complications ou symptômes de fractures du crâne.
"Remède pour la femme qui souffre des yeux presque à n'en voir et resentir des douleurs dans le cou. Dis à cela: ce sont des sécrétions de la vulve qui affectent les yeux.Fais lui pour cela une fumigation d'encens et d'huile fraîche et fumigue lui la vulve avec ; fumigues lui les yeux avec des pattes de guépier, puis tu lui feras manger le foie cru d'un âne." Papyrus kahoum- Traité de gynécologie.Tome 8 p412.
On peut trouver dans cette observation les signes d'une conjonctivite gonococcique ou d'un iritis gonococcique (8) (9). L'auteur Egyptien avait bien rattaché à son étiologie l'affection oculaire, et si la thérapeutique peut paraitre bizarre,il n'en reste pas moins que tout en traitant les complications, il insiste sur la thérapeutique étiologique qui vise à la suppression des sécrétions vulvaires.
Autre exemple
"Instructions concernant une perforation de la tempe"/
Examen :
"Si tu dois examiner un homme ayant une perforation de la région temporale avec une plaie ouverte de dehors en dedans, tu dois inspecter sa blessure et dire : regarde les deux épaules. Si ce mouvement est très douloureux, même s'il peut tourner très légèrement sa nuque, tandisque l'oeil du côté blessé présente une hémorragie, tu dois dire le concernant:
Diagnostic
"Il a une perforation de la région temporale, il souffre de la raideur de la nuque, c'est un mal que je peux traiter."
Traitement
"Tu dois le mettre au repos complet jusqu'à guérison complète de la plaie. Tu dois le soigner avec des pansements de charpie, de graisse et de miel tous les jours jusqu'à la guérison."
Glose A
Si les deux yeux ont des hémorragies, cela veut dire que la couleur des yeux est rouge comme la couleur de la fleur "Shs"Dans le traité de ce qui regarde l'embaumeur, il est dit à ce sujet: les deux yeux sont rouges et malades comme un oeil dont la vue est prêt de disparaitre."
Cette observation est intéressante ; on peut y constater que le médecin egyptien avait déjà reconnu l'importance de l'hémorragie sous-conjonctivale (9) dans les fractures du crâne comme signe de certitude et comme symptôme de localisation. Dans sa glose le médecin qui recopiait ce traité insiste sur l'aspect des deux yeux en se référant à l'autorité d'un autre ouvrage. Papyrus SMith Cas 19 (VII, 14-15).
De ce qu'il nous reste des termes de pathologie oculaire, nous pouvons envisager leurs connaissances cliniques. Ici le papyrus Ebers est intéressant à étudier, car s'il ne décrit pas les affections, il en nomme un grand nombre et nous permet de connaître la thérapeutique de l'Egypte Antique. Il a été difficile d'identifier les maladies, ainsi que les ingrédients entrant dans les formules pharmaceutiques ; Ebers en collaboration avec les docteurs Schmidt et Schneider a cru pouvoir identifier une vingtaine d'affections oculaires dans le papyrus.
La blépharite ciliaire "tm ra rd tmsmirit", mirit désignant le mot "oeil" en égyptien) dont la traduction est "quelqutun dont les yeux ont des paupières qui ne peuvent plus produire de cils". (Ebers, LXII,14)
Certains auteurs ont cru reconnaîltre dans cette affection le trichiasis.
Le chalazion ou l'orgelet sont désignés sous le nom de "pdsit m meriti".
La conjonctivite avec chémosis, l'inflammation conjonctivale caractérisée par la simple rougeur des yeux, l'hémorragie sous conjonctivale donnent lieu naturellement à un grand nombre de prescriptions.
Il semble bien qu'il faille reconnaitre dans la maladie nommée "Hétaê" les granulations trachomateuses, (dans le papyrus Ebers). Certains auteurs considèrent l'Egypte comme le berceau du trachome, dautres au contraire, pensent que le trachome n'y est devenu endémique qu'au XVè siècle après J.C.
Le leucome est appelé "sh t'nou merati". Les taies de la cornée dont était peut-être atteint l'oeil gauche de Nefertiti est bien décrit sous ce terme là.
Citons encore le larmoiement, le ptérygion, le xanthélasma.
Enfin, le strabisme ou bien l'asthénopie accomodative qui se traduit littéralement par "la fatigue de l'oeil qui se refuse à regarder".
Il semble que l'amblyopie crépusculaire, fréquente dans les populations mal nourries ou carencées, ait déjà été reconnue.
Nous terminons ce châpitre des connaissances cliniques par la cataracte.
Les Egyptiens avaient-ils identifié la cataracte ?
Les auteurs qui ont étudié le papyrus Ebers ne sont pas d'accord entre eux. Pour Luring et Hirschberg (19) cela serait une inflammation de l'oeil et pour Ebers et ses collaborateurs, ainsi que les auteurs actuels, dont Dc DOLLFUS (9), il s'agit de cataracte.
Quatre formules de collyres sont donc consacrées au traitement d'une affection désignée sous le nom de "ahtmt mu meriti", périphrase, qui se traduit par "suspension ou montée d'eau dans les yeux". (Ebers Lx, 14 et 17).
A noter que chez les égyptiens l'eau monte et pour nous elle descend (en cataractes).
Dès 800 av. JC, dans l'odyssée, HOMERE vantait la richesse en plantes médicales de l'Egypte ; certaines entraient dans la composition de remèdes salutaires, d'autres au contraire, étaient utilisées comme poisons :
Une des conséquences les plus spectaculaires de la révélation du papyrus Ebers fut de donner une idée de la variété de la pharmacopée égyptienne ; ce papyrus indiquait à lui seul, la composition de 900 remèdes.
Certains collyres ayant laissé des traces dans les flacons, on a pu les analyser. Tous les règnes étaient utilisés:
Dans le règne minéral nous trouvons le sulfate de cuivre, l'oxyde de cuivre et de fer, les sels de plomb, le sel marin, la poudre de lapislazuli, l'antimoine, le chrysocole , le sulfure d'arsenic.
Les substances du règne animal sont surtout des excipients, graisse de porc ou d'oie, miel, lait ; mais aussi le foie, la bile, la cervelle et le sang d'animaux divers, ainsi que des excréments et de l'urine.
Mais la plupartdes collyres sont à base de végétaux. On peut citer le safran, la rose, la myrrhe, la gomme d'acacia, le sycomore, l'aloès, le mélilot, la farine de coloquinte , les feuilles de ricin, le lotus, l'extrait de lys, l'écaille d'ébène, le suc de pavot, l'huile de baumier, la résine et l'encens, etc...
Voici d'après le papyrus Ebers N° 339 une manière de les administrer :
"Ingrédients à mettre dans de l'eau; leur faire passer la nuit à la rosée, les filtrer; puis les appliquer en compresses sur l'oeil pendant quatre jours. Autre manière de s'en servir: tu l'instilleras (ce collyre) au moyen d'une plume de vautour".
"Le Traité des Yeux" conservé par le papyrus Ebers, renferme près d'une centaine de recettes, qui permettent de juger approximativement du savoir des oculistes. Dans ces formules on trouve les proportions respectives des composants, comment les fabriquer, leurs indications et comment les utiliser.
On soignait la blépharite soit par des pommades, soit par des collyres. Ces médicaments se composaient essentiellement d'oliban (espèce de gomme résine), de chrysocolle (silicate de cuivre hydraté), de coloquinte, de feuilles d'acacia.
L'ectropion, maladie fréquente en Egypte et qui était appelée "retournement des chairs", se traitait par des ingrédients de nature astringente bien appropriés au cas:
"Remède pour faire disparaître le retournement des chairs dans l'oeil; chrysocolle, résine de térebinthe, ocre jaune. A broyer et à appliquer sur les yeux."
Pour le trichiasis appelé "torsion des cils vers l'oeil" l'application d'une pommade sur le bord des yeux était suivie de 1'extirpation des bulbes des cils (Nous en reparlerons dans la thérapeutique chirurgicale).
Un autre traitement consistait en un badigeonnage: "Bile d'un oiseau. On en humectera un jonc. A mettre à la place où était ce cil, après qu'il aura été extirpé. "
On sait aujourd'hui que la bile renferme de l'acide cholalique, et c'est à partir de cet acide que nos chimistes préparent synthétiquement la cortisone (37).
Cette affection si fréquente dans les régions trachomateuses donnait lieu dans le papyrus Ebers à une extraordinaire médication:
"Recette pour empêcher le retournement des cils dans l'oeil, myrrhe, sang de lézard, sang de chauve-souris; faire l'extraction des cils et après appliquer le remède, l'oeil sera guéri."
Il est assez curieux de noter que cette thérapeutique s'est maintenue pendant des siècles, car DIOSCORIDE propose une formule toute semblable. Le sang de chauve-souris fut utilisé par les Romains (MARCELLUS en 400 ap. JC), puis par l'école de Salerne ; l'utilisation du sang de chauve-souris fut transmis aux médecins du moyen-âge pour obtenir l'épilation des paupières (9). Les Coptes employaient, eux, l'urine de ce mammifère, et les chinois ses excréments, dans le traitement de diverses affections oculaires.
La chauve-souris fut utiliséependant des siècles, vraisemblablement parce que l'on jugeait, à tort, son acuité visuelle particulièrement bonne puisqu'e1le vole avec très peu de luminosité.
On sait aujourd'hui que le sang et les excréments de chauve-souris contiennent une plus grande quantité de vitamines A que l'huile de foie de morue elle-même (37).
L'urine de femme entrait aussi dans la composition d'une pommade destinée à empêcher les cils de repousser dans le trichiasis. A ce sujet, il y a une curieuse histoire rapportée par HÉRODOTE.
"Un pharaon devenu aveugle en punition de son orgueil ne devait recouvrir la vue qu'en baignant ses yeux avec de l'urine de femme qui n'avait eu commerce qu'avec un seul mari".
Il devait s'agir d'un oiseau rare car HÉRODOTE poursuit en disant que le pharaon fit brÛler les femmes adultères mais qu'il obtint de l'urine d'une femme fidèle, ce qui le guérit, et qu'aussitôt il l'épousa.
Mais le collyre le plus original pour le trichiasis est celui-ci:
"Excréments de mouche recueillis sur les murs, ocre jaune, urine, à piler et à mettre en place où étaient les cils pour les empêcher de repousser".
Au premier rang des maladies affectant la conjonctive, nous trouvons la conjonctivite granuleuse, le trachome, qu'on désigne aussi du nom "d'ophtalmie d'Egypte". On soignait cette maladie, Si répandue, par des médicaments dans l'ensemble naturels et rationnels:
"Remède pour faire disparaître le trachome dans les yeux: bile de tortue, ladanum (gomme résine). A mettre dans les yeux." (Ebers numéro 350).
"Autre remède : galène (sulfure de plomb), ocre jaune, terre de Nubie, natron rouge (carbonate de soude). A mettre sur le dos des yeux (les paupières)." (Ebers numéro 346).
On constate que parmi les remèdes égyptiens destinés à lutter contre le trachome, figuraient le cuivre, l'alum et l'argile. Or dans un traité "Les maladies des yeux" publié en 1931 par le Professeur W. Gruter, on lit à propos du traitement préconisé contre le trachome:
"Il faut associer les massages à l'ouate et le traitement à la mine de cuivre; si celui-ci est mal supporté, on le remplace par de l'alun (sulfate double d'aluminum et de potassium). Chez soi on emploiera les enveloppements d'argile, avec une solution boratée ou acétique; le soir on appliquera une pommade au cuivre."
Les ophtalmologistes égyptiens mêlaient aussi des excréments préalablement séchés et pulvérisés, à du miel et, autant que possible, à du miel "en fermentation", qui entrait dans la préparation des baumes et des onguents qu'ils utilisaient pour lutter contre le trachome et aussi contre les inflammations chroniques, rebelles à tout autre remède.
Pour lutter contre les conjonctivites, nous trouvons
"Traitement des inflammations avec oedème et catarrhe; salpêtre (nitrate de potassium) de la Haute Egypte, plomb rouge, oxyde de cuivre, miel".
Cette prescription pourrait être utilisée actuellement. Une autre prescription est plus complexe:
"Huile, cire, vitriol bleu, myrrhe très pure, plomb vert, poudre de bois pourrie depuis un an, graisse d'oie, litharge; appliquer le médicament quatre jours".
Citons ensuite le ptérygion pour lequel différents remèdes étaient recommandés : l'un d'eux s'appliquait "sur les coins des yeux" (Ebers 412) localisation normale de cette maladie. Les remèdes qui sont proposés "la fiente de pélican ou les excréments de crocodile )une partie de miel, 1/8 résine de thérebinthe, 1/32 de silex noir pulvérisé".
Contre les leucomes
"Remède pour faire disparaître une excroissance blanche de l'oeil; une cervelle de tortue, du miel; les mélanger et les appliquer sur les yeux".
Les taies blanches se soignaient aussi par des poudres, généralement à base de minéraux, granit, galène, ocres.
Il semble que l'iris n'était pas totalement inconnu des Egyptiens, bien qu'ils ne l'aient pas désigné d'un nom spécial. En tous cas, leurs oculistes soignaient une maladie qui semble bien être l'iritis et une autre, que nous appelons le glaucome:
"Remède pour contracter la pupille de l'oeil; écaille d'ébène, sulfure d'arsenic de Haute Egypte. A piler dans de l'eau et à mettre sur les yeux très souvent". (Ebers numéro 345).
Les traitements médicaux de ce qui pourrait être la cataracte:
"Collyre pour les yeux atteints de cataracte; ricin, alun, vitriol bleu, acacia, pile les ensemble et fais en un collyre".
Quoique la rétine comme nous l'avons déjà dit, leur ait été inconnue, les Egyptiens ont bien observé un certain état de l'oeil, symptôme d'une affection de cette membrane ; l'héméralopie. Les papyrus médicaux proposaient pour cette infirmité un remède qui mérite de retenir notre attention:
"Foie de boeuf qui aura été placé sur un feu de tiges de blé ou d'orge, et pénétré de la vapeur qui s'en dégage; le liquide en sera préssuré sur les yeux".
Aujourd'hui encore l'héméralopie se traite parfois par le foie cru et l'extrait de foie, riches en vitamines A.
Premier cas: Pour se débarrasser d'une migraine, les égyptiens avaient des recettes bien spéciales, bien nettement définies.
"Douleurs dans un côté de la tête; il convient de frotter la tête malade au moyen d'un crâne de silure". (Ebers numéro 250).
Ainsi la migraine passait-elle de la tête de l'homme dans celle du poisson. C'est le procédé magique du transfert.
Deuxième cas : Inversement, pour la cécité complète, une recette assez curieuse citée dans ce papyrus Ebers.
"Remède pour la cécité complète; les deux yeux de porc dont on extrait l'humeur, galène véritable, ocre jaune, miel fermenté, à broyer finement et à réduire en une masse puis injecter dans l'oreille de l'individu, si bien qu'il sera guéri sur le champ, fais ainsi et tu verras; remède efficace".
Il s'y rajoute une formule magique à répéter deux fois pendant l'application du remède:
"J'ai été chercher ceci qui doit être mis à la place de cela et remplacer une douleur redoutable, redoutable. Le crocodile est faible et sans pouvoir". (Ebers N° 356).
Il faut se rappeler que les Egyptiens croyaient à une communication vasculaire de l'oreille et du nez avec l'oeil, irrigués par les mêmes vaisseaux. Il y a là une idée de substitution d'un élément malade (oeil aveugle) par une élément sain (oeil de porc). Cela peut rappeler une véritable "greffe".
Cette cécité passait pour être un châtiment divin. On lit sur une stèle égyptienne "Je sui un nomme ayant juré faussement par Ptah, maître de la vérité: il me fit voir l'obscurité en plein jour".
Une lettre d'un peintre qui vécut sous le règne de Ramsès III fournit un poignant commentaire de la cécité:
"Nouvelle adressée par le peintre POI à son fils, le peintre Pp Rahotep. Ne me quitte pas, je vis dans le désespoir ... Je vis dans l'obscurité. Amon, mon dieu, m'a abandonné. Apporte moi du miel pour mes yeux et de la graine ... et du véritable fard à yeux, aussitôt que possible. Ne suis-je pas ton père ? Je voudrais voir mais mes yeux me trahissent".
Autres préparations empruntées au papyrus. Ebers et au papyrus Copte de Chassinat:
"Prescription pour l'oeil s'appliquant à tous les désordres qui se produisent dans cet organe; cervelle humaine, la diviser en deux moitiés; mêler une moitié avec du miel, en enduire l'oeil le soir, sécher l'autre moitié, piler, passer, en enduire l'oeil le matin".
"Contre le larmoiement; myrrhe, encens, graine de teutem, sel de plomb vert".
"Traitement pour chasser le sang de l'oeil; encre, sulfate de cuivre, antimoine, sciure de bois décomposée, oignons, eau, les triturer et les appliquer sur les yeux".
"Oeil qui souffre la torture par suite d'une fluxion; rose, safran, jaune d'oeuf du jour, huile de rose, broie-les, mets les sur les yeux, ils cesseront de souffrir."
Remarque sur le fard des Egyptiennes.
Mélangés à de la graisse d'oie, des minéraux (dont le sulfure de plomb = galène) servaient à la fabrication des cosmétiques et des fards, qu'utilisaient les Egyptiennes pour aviver l'éclat de leur regard.
Réduit en poudre, le minerai de cuivre (chrysocolle) de couleur vert foncé, était le principal ingrédient entrant dans la confection du fard ; de même que le fard de couleur noire, la galène, il remplissait un rôle prophylactique en protégeant les yeux des multiples ophtalmies auxquelles les habitants furent exposés à toutes les époques; il protegeait aussi de la lumière intense.
Signalons à ce sujet que c'est la galène et non la poudre d'antimoine qu'on trouve à la base du fard des Egyptiens.
L'antimoine, dangereux minéral a été identifié dans une boite à fards datant de 2500 av. JC. ; on l'utilisait pour fabriquer le rouge que les Egyptiennes appliquaient sur leurs lèvres à l'aide d'un pinceau.
Il s'agit plus exactement de sulfure d'antimoine dont les cristaux ont une couleur rouge cerise.
Conclusion sur la thérapeutique médicale oculaire. Quelle était la valeur des recettes composées par les médecins ?
L'origine de ces médicaments se trouve dans l'observation des animaux ou dansla ressemblance d'une graine, d'une feuille, d'une fleur avec l'oeil ou une de ses parties. De même la beauté ou l'aspect de certains minéraux, comme le lapis-lazuli d'un beau bleu-clair a été utilisé en poudre"Pour rendre la vue".
Les jugements sur la pharmacopée égyptienne ont généralement manqué de bienveillance : pharmacopée démoniaque, pharmacopée excrémentielle. Il convient de distinguer deux catégories de médicaments:
- ceux qui sont extraits des grimoires des magiciens
- ceux que les médecins composaient d'après leurs propres idées, en s'inspirant de leurs expériences;.
L'ingrédient, de caractère magique, pouvait se trouver associé à quelque produit naturel qui assurait l'efficacité du remède.
Dans bien des cas l'expérience avait instruit les Egyptiens des vertus curatives de certaines substances végétales ou animales, vertus qu'elles devaient à la présence insoupçonnée de principes que nous utilisons aujourd'hui directement. L'exemple du traitement de l'héméralopie carentielle est significatif. Les Egyptiens ignoraient le contenu en Vitamine A du foie de boeuf, mais ils avaient constaté ses bienfaisantes propriétés.
De la magie, par contre, relève toute la série de médicaments proprement excrémentiels : fiente de mouche et de pélican, excréments de crocodile.
Le papyrus Ebers et le papyrus de Londres, contiennent plusieurs incantations magiques, que l'on répétait quatre fois pendant l'application du collyre. Certaines font allusion au crocodile, animal typhonien partisant de SETH qui dans sa lutte contre HORUS lui enlevait un oeil. La même adjuration qui sauvait HORUS pouvait rendre la lumière aux malades des yeux.
La survivance de cette thérapeutique se rencontre encore dans la thérapeutique populaire, souvent mélée de pratiques entachées de magie ou de données météorologiques.
La "boue du Nil", la "boue des marais", la terre et une certaine terre appelée "btj", étaient également mentionnées comme remèdes et n'impliquaient aucune répulsion, or au XIXè siècle et même au début du XXè siècle ils figuraient encore parmi les substances tenues pour répugnantes.
La vase et la terre étaient employées dans la confection des emplâtres, ainsi que l'urine pour les bains d'yeux.
En 1948, quand le Docteur DUGGAR, titulaire de la chaire de physiologie végétale à l'Université du Wiscontin, annonça la découverte de l'auréomycine, il ne se doutait pas que cette révélation contribuerait à valoriser l'efficacitét des thérapeutiques égyptiennes l'auréomycine, en effet, fait merveille encore dans le traitement du trachome. L'auréomycine représentait un nouveau maillon dans la chaîne des antibiotiques, et se développait apparemment dans une certaine terre, que l'on trouvait surtout à proximité des cimetières. Les moisissures qui s'y formaient avaient la propriété de détruire microbes et bactéries pathogènes. On s'aperçut alors que, du fait qu'elles contenaient les sécretions des bactéries vivant dans l'organisme, les matières fécales et l'urine possédaient, elles aussi, certaines propriétés antibiotiques (37).
La thérapeutique chirurgicale oculaire paraît se réduire à très peu de choses.
La présence de pinces à épiler dans les tombes et un chapitre du papyrus Ebers permettent de supposer que le traitement du trichiasis trachomateux s'accompagnait de l'ablation de cils. Ce passage est déjà cité dans le traitement médical du trichiasis.Il est très probable qu'on procédait à des cautérisations profondes de la paupière pour la redresser.
Une peinture assez mutilée, qui se trouve dans la tombe d'APY (ou IPY) (tombe N0 217 de la nécropole de Deir-el-medineh, près de Thèbes) est particulièrement intéressante pour nous, car elle est la seule peinture représentant un ophtalmologiste dans l'exercice de ses fonctions. APY était un sculpteur qui vivait sous RAMSES Il (1200 av. JC). Il a représenté une scène qui montre un certain nombre d'ouvriers travaillant à la construction d'un temple; ceux-ci sont figurés comme pour illustrer les accidents du travail pouvant se produire sur un tel chantier. En bas et à gauche de cette scène, un des charpentiers travaillant à une des colonnes se fait soigner l'oeil gauche. On a pensé qu'il pouvait s'agir d'une intervention importante, telle que l'abaissement de la cataracte, mais le contexte de la peinture fait plutot penser à l'extraction d'un corps étranger sous palpébral avec blessure de la cornée. Tout en travaillant à genoux sur les marches du "naos" temple, ce charpentier tourne la tête vers l'oculiste.
Celui-ci revêtu d'une longue robe, est accroupi à côté de l'ouvrier, il tient de la main droite le menton du malade et de la main gauche il paraît introduire, à l'aide d'un long stylet, un collyre dans l'oeil de l'ouvrier. A côté des deux personnages se trouvent les instruments de travail de l'oculiste:une caissette contenant probablement les flacons à collyre et les instruments ; sur la caissette un vase ou une outre, destiné à délayer les poudres enfin, à côté, le tube à collyre utilisé. Celui-ci est en tout point semblable à ceux retrouvés dans les tombes ce sont deux tubes jumelés, décorés de bandes d'ivoire et entre les tubes la baguette pour étaler les collyres.
Le peintre a même représenté, sortant des tubes, une poudre rouge qui peut être de l'hématite. N. de GARIES DAVIES (16) dans son mémoire pense qu'il s'agit d'un barbier oculiste ambulant, comme on en rencontre encore en Egypte qui peint au kohl les paupières. En fait, il s'agirait plus probablement d'un oculiste traitant un accident de travail. Cette peinture serait donc la plus ancienne représentation d'une intervention oculaire.
Les Egyptiens opéraient-ils la cataracte ? Cette question a été longtemps discutée et a été longtemps controversée. Actuellement on pense, vu que l'on n'en a aucune preuve, qu'ils ne la pratiquaient pas, alors que la chose était possible par la technique de l'abaissement. Cependant leurs voisins, les akkadiens, habitants de la Mésopotamie auraient pratiqué cette opération (22). (voir chapitre sur la mésopotamie).
Pour conclure le chapitre de la chirurgie, le Papyrus SMITH traduit par BREASTED nous met en présence de blessures de la région orbitaire.
Cas 10 (v, 5,6)
- Titre "Instruction concernant une blessure perforante de la région du sourcil atteignant l'os".
- Examen "Si tu examines un homme présentant une blessure du sommet du sourcil pénétrant jusqu'à l'os, tu dois palper cette blessure et du dois pratiquer sur cettebalafre des points de suture".
- Diagnostic "Tu dois dire au sujet de cette blessure : c'est une plaie du sourcil et c'est une maladie que je dois traiter".
- Traitement "Lorsque tu l'as recousue, tu dois la panser avec de la viande fraiche, le premier jour. Si tu trouves que les sutures se sont un peu relachées, tu dois réunir à nouveau les lèvres de la plaie avec deux bandes de toile et du dois la couvrir de miel et de graisse tous les jours jusqu'à guérison".
- Glosse A "Deux bandes de toile cela veut dire que tu dois appliquer sur les deux lèvres de la plaie deux bandes de toile de manière à les rapprocher l'une de l'autre".
Il s'agit là d'une plaie relativement bénigne de la région sourcillière et c'est un des rares cas de la littérature médicale égyptienne où une intervention chirurgicale est mentionnée pour une affection oculaire ou paraoculaire ; on y trouve la nécessité de la suture par première intention
On peut noter que malgré l'adresse des émailleurs de l'Ancien Empire, qui fabriquaient pour les statues des yeux de verre et d'émail d'une étonnante perfection (scribe accroupi du Louvre), rien ne peut permettre de croire que cette science ait été utilisée dans la prothèse oculaire, soit sur des yeux atrophiques, soit dans des cavités d'yeux énucléés.
Qu'il s'agisse de pharmacie ou de médecine
"Le peu que savaient les Egyptiens, il y a peut-être quelque mérite à l'avoir trouvé près de trente siècles avant notre ère".
Ce que nous avons appris depuis l'époque ou Maspero formulait ce jugement - en 1876, après la publication du Papyrus Ebers - n'a fait qu'accroître notre estime pour les médecins et surtout les chirurgiens de l'ancienne égypte (en particulier très habiles dans la chirurgie osseuse).
Ainsi ces deux régions furent à l'origine de notre spécialité, mais ce n'est pas vers les assyrobabylonniens, mais vers l'Egypte, d'ailleurs plus accessible, que les Grecs, d'HIPPOCRATE à GALIEN, se tournèrent quand ils cherchèrent à recueillir, hors de leur patrie, des enseignements propres à enrichir leurs connaissances.