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Nous remercions beaucoup le Professeur J-F Magnaval (Service de Parasitologie, CHU Rangueil 31403 Toulouse 4 - France) qui nous a fourni de nombreux éléments pour réaliser ce chapitre.
La toxocarose est une anthropozoonose due à l'infestation de l'Homme par des larves d'un Nématode parasite des Canidés (Toxocara canis) ou des Félidés (Toxocara cati). Environ 25% des chiens et plus de 50% des chats sont porteurs de ces vers.
Habituellement bénigne, cette parasitose a parfois des complications oculaires, souvent à type d'uvéites.
Les malades présentant une toxocarose oculaire sont souvent de jeunes enfants, contaminés par contact avec un sol souillé d'excréments animaux, ou géophages.
Dès 1920 des expériences permirent de retrouver des larves dans les tissus des mammifères à qui on avait fait avaler des oeufs de Toxocara canis.
En 1937 Calhoun rapporta l'observation d'un enfant porteur d'une larve de nématode dans la chambre antérieure de l'oeil.
En 1950 Wilder trouva des débris larvaires ou des larves de nématodes dans certains globes oculaires enlevés par erreur pour rétinoblastome.
Oeuf de Toxocara canis Cliché Pr J-F Magnaval, Service de Parasitologie, CHU Rangueil Toulouse France |
Oeuf de Toxocara canis au microscope électronique à balayage Cliché Dr Christophe Guitton Laboratoire de biologie animale, Université de Perpignan, France |
Toxocara canis est un helminthe (ver) de la classe des Nématodes (vers ronds), qui ne devient adulte que chez le chien et dont les larves sont en impasse parasitaire chez l'homme.
Toxocara canis vit dans le duodéno-jéjunum du chient. La femelle mesure 6 à 18 cm de long et le mâle de 4 à 10 cm. Une femelle pond 20.000 à 200.000 oeufs par jour. Ces oeufs de 80 µ comprennent des micro-dépressions (photo ci-dessus à droite).
Les oeufs émis dans les déjections sont non embryonnés et donc non infectieux.
L'embryonnement dans le milieu extérieur (sol) demande une quizaine de jours dans des conditions de températures optimales. Ces oeufs vont alors contenir une larve infestante L2. Les oeufs embryonnés sont résistants et peuvent rester 2 ans dans le sol; ils ont une coque extérieure adhésive, ce qui permet leur fixation sur les doigts, les végétaux...
Le chien se contamine en absorbant des aliments contenant des oeufs du parasite situés sur le sol.
Commence alors chez le chien le cycle somatique du parasite. Les larves L2 perforent la paroi intestinale et vont se répandre dans les organes de l'animal.
Les larves qui arrivent à perforer les alvéoles pulmonaires continuent un parcours qui les amène au carrefour aéro-digestif. Elles se retrouvent alors dans le tube digestif du chien et vont donner des parasites adultes.
L'homme se contamine en absorbant des oeufs embryonnés ou des larves.
C'est le sol souillé par les déjections animales qui est responsable de la contamination, et non le contact direct avec les chiens (chiots exceptés) ou les chats.
La toxocarose survient souvent chez des personnes qui ont dans leur environnement des chiens infectés, ou bien chez les enfants qui ont l'habitude de porter à la bouche leurs mains après avoir touché le sol ou remué la terre.
Les signes cliniques sont fonctions du nombre de larves ingérées, du terrain du patient (allergique), de son génotype et de la localisation des larves dans les tissus.
Outre la toxocarose oculaire, on rencontre plusieurs autres formes de la maladie.
Larva migrans viscérale
Chez l'adulte on constate une asthénie, des douleurs digestives et parfois une éruption urticarienne généralisée avec hyperéosinophilie. Des granulomes hépatiques peuvent être localisés (voir image ci-dessous). Cette anomalie correspond à un hypersignal T2 en IRM.
Granulome (hypodense) hépatique à Toxocara canis
Cliché Pr J-F Magnaval, Service de Parasitologie, CHU Rangueil Toulouse France
Toxocarose cachée (covert toxocariasis)
Un groupe d'enfants présentant des douleurs abdominales, des céphalées et une toux se sont révélés porteurs de d'anticorps dirigés contre les larves de Toxocara canis.
Certains n'avaient pas d'hyperéosinophilie.
=> Il faut donc se méfier de cette absence d'hyperéosinophilie qui n'exclut en rien une toxocarose.
Toxocarose et allergies
Il semble que la toxocarose ait un effet amplificateur sur les manifestations allergiques des sujets atopiques et favorise ainsi les crises d'asthme.
Toxocarose oculaire
C'est le syndrome oculaire qui amène parfois à consulter. Il s'agit de phénomènes inflammatoires qui peuvent toucher toutes les tuniques.
Cliché du à l'obligeance du Dr Laurence Lesueur CHU Purpan, Toulouse France |
Cliché du à l'obligeance du Dr Antoine Brézin et du journal 'Réalités Ophtalmologiques' Service d'Ophtalmologie Hôpital Cochin Paris France |
On décrit quatre lésions possibles (du plus fréquent au moins fréquent) :
Il s'agit d'une lésion pseudo-tumorale située entre la macula et la papille, ou même attenante à la papille. Cette anomalie est surélevée, peut plisser la rétine et être néovascularisée.
Il s'agit là d'une leucocorie (pupille blanche) qui fait craindre une tumeur et particulièrement un rétinoblastome. Il n'en est rien et on assiste à la création d'une masse blanchâtre dans le vitré qui va venir l'envahir entièrement. La vision de l'oeil est quasi nulle, mais ces jeunes enfants ne s'en rendent pas compte; c'est plutôt l'entourage qui a remarqué la leucocorie (un reflet 'bizarre' dans l'oeil). Il faudra recherche une toxocarose. En principe le rétinoblastome se voit avant deux ans et la toxocarose après cet âge, mais ce n'est pas une règle formelle.
Il s'agit d'une uvéite à hypopion et l'examen du fond d'oeil va amener à découvrir la lésion postérieure blanchâtre
On remarque des granulomes de petite taille près de l'ora serrata associés à une fibrose nette qui part vers la papille ou dans le vitré
On peut parfois découvrir une uvéite antérieure dans le cadre d'une toxocarose générale bruyante. Cette inflammation d'origine immunoallergique signe alors un phénomène inflammatoire général.
Le diagnostic de certitude repose sur la découverte de la larve ou des granulomes dans le tissu (pièce d'autopsie, d'énucléation erronée par exemple).
Une absence d'hyperéosinophilie peut se voir avec une toxocarose oculaire.
La ponction de chambre antérieure permettra la recherche d'anticorps spécifiques sur humeur aqueuse et donnera une très bonne orientation diagnostique.
Larves de Toxocara canis en milieu de culture Cliché Pr J-F Magnaval, Service de Parasitologie, CHU Rangueil, Toulouse, France |
Grossissement (les larves sont mieux visibles) Cliché Pr J-F Magnaval, Service de Parasitologie, CHU Rangueil, Toulouse, France |
Les travaux de De Savigny sur le maintien en survie des larves de Toxocara canis (photos ci-dessus) permirent de produire les Ag-ES contre lesquels l'hôte s'immunise. En 1979 De Savigny mit au point une test immunodiagnostique par ELISA, mais des réactions croisées avec d'autres helminthiases furent constatées. En 1992, Magnaval et al. publièrent une technique immunodiagnostique par western-blot. La positivité des fractions de faible poids moléculaires (24/28/30/35 kDa) s'est avérée corrélée avec la toxocarose. Les positivités isolées concernant les fractions de poids moléculaires supérieurs peuvent être vues dans d'autres helminthiases. En début d'infestation on ne met en évidence que les fractions de haut poids moléculaire; c'est seulement au bout de quelques semaines que la positivité pour les faibles poids apparait. Un western-blot peut rester positif 10 ans chez des patients guéris (Magnaval). |
La toxocarose peut être soignée par la diéthylcarmabazine (Notézine®) pendant 21 jours en deux cures parfois ou le mébendazole (Vermox®). Il est de temps en temps nécessaire d'ajouter un corticoïde quand une inflammation importante est présente.
Concernant la toxocarose oculaire, le premier (et souvent le seul) traitement à instituter est la corticothérapie, pendant plusieurs semaines.
En cas d'échec ou d'amélioration partielle, on peut alors effectuer un traitement anthelminthique, mais il ne faut jamais associer corticoïdes et anthelminthiques : l'usage de ces molécules doit être séquentiel, non simultané.
Dans les tableaux oculaires sévères on peut envisager une vitrectomie en connaissant les avantages et les risques de cette technique chirurgicale.
On s'attachera à
Pour combattre la toxocarose et la toxoplasmose, l'AFNOR a édicté des règles qui sont très strictes :
La norme AFNOR NF S 54-206 d'Avril 1995 précise les conditions à remplir pour l'implantation, la conception et l'entretien des bacs à sable :
La norme AFNOR XP S 54-207 de Mars 1996 définit les conditions dans lesquelles doivent s'effectuer les contrôles parasitologiques et bactériologiques évoqués dans la norme d'Avril 1995 ainsi que les seuils à respecter. Les exigences retenues s'établissent ainsi :
On a calculé qu'il faudrait employer 30 personnes à temps complet pour entretenir ceux de Paris dans les règles de l'art... Les municipalités préfèrent le plus souvent enlever définitivement l'ensemble des bacs à sable.
Celles qui veulent les garder utilisent parfois le système stéri-ondes qui traite les bacs par micro-ondes.
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